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dans les endroits jonchés de pierres ; elles naissent dans les interstices des rochers jusqu’à la hauteur de 2,700 mètres au-dessus du niveau de la mer, souvent plusieurs sortes végètent sur un tout petit espace. Une saxifrage est fécondée par une autre saxifrage qui n’est pas de la même espèce ; alors surviennent des hybrides destinées à mourir sans avoir de postérité. Cet accident, dont l’étude est pleine d’intérêt, se produit chaque année parmi les espèces de la zone des gazons, il est plus rare pour celles de la zone des plantes éparses. Les neiges, les glaces ne sont-elles pas le séjour habituel des primevères, qui étalent leur fraîche corolle avant les premiers jours du printemps ? Chez nous, on les nomme les perce-neige. Très multipliées et très variées dans les Alpes, les différentes primevères appartiennent à des régions plus ou moins étendues ; quelques-unes d’entre elles croissent tout spécialement à la dernière limite de la végétation. Sur les pentes du Roseg, on trouve l’ancolie alpine, plusieurs gentianes, la primevère des glaces (Androsace glacialis), au Bernina le pavot orangé et le pavot des Pyrénées, une jolie plante grasse (Sedum villosum), la mille-feuille naine (Achillœa nana), une espèce de la famille des œillets (Alsine recurva), une autre du groupe des colchiques (Tofieldia borealis), qui ont des stations très limitées et toujours d’un accès difficile.

Au fond de la vallée et dans la zone entière des pâturages, où les graminées croissent en masses compactes, c’est l’herbe haute et dans la zone supérieure, le gazon pour ceux qui se contentent de voir l’ensemble ; mais pour ceux qui étudient la végétation alpestre, c’est une réunion d’espèces remarquables à peu près au même degré que toutes les autres. Les mousses croissant sur l’écorce des arbres et sur la pierre ou couvrant le sol de façon à former des tapis de velours ont été comptées par centaines. Les lichens abondent également dans la Haute-Engadine, comme dans toutes les hautes régions des Alpes et sous les climats du-nord. Sur une pierre, sur un monceau de roche, dix ou quinze sorties distinctes par l’aspect et par la coloration se manifestent à l’œil le moins exercé. Ces végétaux, recueillis avec soin et devenus l’objet de recherches approfondies, ont donné lieu à de curieuses observations. Quelques lichens se développent d’une manière exclusive sur une roche spéciale, tandis, que le plus grand nombre prospère sur les pierres, et les rochers de toute nature. Certaines espèces sont confinées sur les Alpes entre des limites, assez restreintes, et beaucoup d’autres, croissant avec indifférence en tous lieux, vivent à merveille sur des blocs que la glace ou la neige recouvre durant une grande partie de l’année et s’accommodent des pays tempérés ; quelquefois même des rochers brûlans des côtes de la Méditerranée. Sur les terrains nus, stériles et bouleversés, des montagnes, les lichens, apparaissant comme un