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En face du Bernina, à l’est du village de Pontresina, s’élève, semblable à une pyramide aiguë, le piz Languard, aujourd’hui renommé, naguère encore à peine connu et fréquenté seulement par les chasseurs de chamois. Le nom de Languard, formé des mots de l’idiome de l’Engadine longao guardo, signifie vue lointaine, et j’exprime bien une vérité. Du sommet de cette pyramide, on découvre toutes les Alpes de la Suisse et du Tyrol jusqu’aux montagnes de Salzburg, un ensemble indescriptible. Le piz Languard est le roi de la Suisse, s’écrient des touristes qui se sont trouvés amplement récompensés de la fatigue d’une ascension pénible par ce prodigieux spectacle. Sur les pentes voisines du pic, ce sont des forêts d’arbres verts, des buissons touffus de rhododendrons, qu’on appelle poétiquement les roses des Alpes ; viennent ensuite des prairies couvertes de fleurs, où vivent en été de nombreux troupeaux de brebis ; puis c’est la région déserte, ce sont les pierres roulées, les débris de rochers entraînés par la fonte des glaces, et partout des ruisseaux tombant en cascades jusqu’au fond des vallées.


II

Est-il besoin de dire avec quel intérêt les naturalistes ont exploré de telles régions ? En 1808, un pasteur de ce petit village de Campfer, H. Bansi, homme sagace et instruit, donnant un aperçu de la topographie et des productions naturelles de la Haute-Engadine, exposait vraiment les résultats d’un voyage de découvertes ; mais dans ces dernières années les recherches ont été nombreuses. Aujourd’hui les membres d’une société scientifique des Grisons[1], animés par l’amour du pays natal, se livrent d’une manière incessante à toute sorte d’investigations dans les Alpes rhétiques.

Après les admirables travaux qui ont permis d’expliquer la formation des montagnes, la constitution de chacune d’elles réclamait une étude spéciale. Dans le canton des Grisons, cette étude a été faite par le professeur Théobald, de Coire. Ces montagnes, si imposantes par leurs proportions, sont formées de trois élémens essentiels. La masse centrale est du granit accompagné de roches analogues connues sous les noms de syénite et de diorite. Disposées m couches plus ou moins étendues à la surface, ou même engagées dans le granit, se trouvent des roches cristallines telles que le gneiss et le mica. Viennent ensuite les terrains de sédiment, composés en grande partie de grès et de schistes calcaires contenant des débris de plantes et d’animaux fossiles.

  1. Naturforschende Gesellschaft Graubündens.