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longtemps secouer le joug de la Russie. Hélas ! à Athènes comme en Pologne, les insurrections contre la domination de l’étranger n’aboutirent qu’à river davantage la chaîne. Ces tentatives furent héroïques, mais imprudentes, et les divisions intestines leur enlevèrent le peu de chance qu’elles avaient de succès. Tel fut le cas pour le mouvement provoqué à Athènes et ailleurs par la nouvelle de la mort de Philippe, pour cette ligue que Démosthène essaya de nouer entre Thèbes et sa patrie, et dans laquelle Lacédémone était prête à entrer. Alexandre avec son armée arrêta sans peine ces soulèvemens mal dirigés. La guerre lamiaque fut une tentative plus sérieuse de la Grèce pour échapper au joug macédonien. Athènes se flattait de reprendre sa puissance déchue. Les Grecs s’imaginaient que la mort du roi qui avait étonné le monde par son génie et la rapidité de ses conquêtes allait enfin briser leurs entraves. Il n’en fut rien, et la ville de Minerve s’estima heureuse de conserver sous le gouvernement de Phocion, avec des institutions aristocratiques modérées, un reste d’autonomie. Démosthène ne voulut pas survivre à la ruine du parti dont il avait été l’âme, et il échappa par le poison au triste sort qu’il redoutait.

Associée durant l’époque suivante aux destinées de la Macédoine, mêlée à ses dissensions, disputée par les chefs militaires qui s’arrachaient la succession d’Alexandre, Athènes n’avait pourtant pas profité des rudes leçons de l’adversité. Incorrigible dans ses instincts révolutionnaires, elle demeurait le jouet des intrigans, l’asile des brouillons et des mécontens. Ce n’était plus, comme aux temps anciens, par des succès militaires qu’on se frayait un chemin au pouvoir ; mais, suivant la remarque que faisait plusieurs années auparavant Aristote dans sa Politique, il suffisait d’y bien parler pour arriver à être chef. Dans ses murs se retrouvait la même population inconstante et frivole qui brisait en un lendemain de délire les idoles qu’elle avait élevées la veille. Quand, pour gagner ses habitans, Démétrius et Antigone rendirent à Athènes un semblant de régime démocratique, le peuple reçut ce bienfait comme s’il lui fût venu de deux divinités, et il renversa les trois cent soixante statues qu’il avait décernées à Démétrius de Phalère, dont le gouvernement sage et intelligent, sous la protection du roi de Macédoine Cassandre, avait jeté quelque lustre. Cette république démocratique octroyée ne fut qu’une pâle et passagère imitation de celle dont Athènes avait jadis tiré sa force et son éclat.

La Macédoine, qui avait si profondément abaissé la ville de Thésée et de Solon, qui semblait du vivant d’Alexandre assurée pour des siècles de l’empire du monde grec, vit rapidement commencer pour elle la décadence. Ce fut le colosse aux pieds d’argile. Le fils