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mètre le front de la phalange. Les lignes postérieures soutenaient l’effort des premières en appuyant leurs armes sur l’épaule de ceux qu’elles avaient devant elles, de façon à former au-dessus de la phalange un vrai toit de lances qui arrêtait une partie des traits dirigés contre elle.

En adoptant comme unité de forces cette masse résistante, mais nécessairement un peu pesante et qui ne pouvait évoluer avec grande rapidité, les Macédoniens ne s’étaient pas pour cela privés de l’usage des troupes moins lourdes et des mouvemens accélérés. En avant de la phalange, ils lançaient des espèces de tirailleurs, des hommes armés de traits, soutenus par une infanterie légère, les hypaspistes, qui protégeaient les flancs de la phalange et couvraient ses changemens de front.

À cette excellente armée de pied, Philippe joignit une cavalerie exercée qu’il pouvait aisément recruter dans ses états, plus riches en chevaux que la Grèce ; elle constituait sa garde proprement dite, Armés d’une courte javeline et d’un sabre, ces hétaïres ou compagnons, comme on les appelait, comptaient dans leurs rangs : la jeune aristocratie macédonienne. Il y avait de plus un corps spécial d’éclaireurs, les sarissophores, genre de soldats peu usités à Athènes et à Sparte.

Philippe sut imposer à cette armée, si bien entendue et si bien distribuée, une discipline sévère. Les moindres infractions à la consigne et aux ordres étaient punies avec une rigueur qui allait jusqu’à la cruauté. Les soldats furent habitués aux fatigues et aux plus rudes travaux. On faisait faire aux troupes, avec armes et bagages, des marches de 300 stades par jour (55 kilom.). L’usage des voitures était absolument interdit aux soldats comme aux officiers ; on ne tolérait aux cavaliers qu’un valet par homme, et aux fantassins qu’un valet pour dix. Philippe ne se contenta pas d’avoir des troupes braves et endurcies aux exercices de la guerre, il voulut encore que son état-major eût une instruction qui achevât de lui assurer la supériorité sur les Grecs. Démosthène convenait qu’en fait de science militaire les officiers de Philippe l’emportaient sur les capitaines athéniens. Ces officiers avaient reçu en effet une instruction qui leur permettait de servir aussi bien sur les champs de bataille que dans les missions diplomatiques les plus délicates.

Des auxiliaires étrangers, surtout des archers, vinrent encore accroître les forces du roi de Macédoine ; mais ce qui lui assura peut-être davantage le succès sur les troupes grecques, restées attachées à l’ancienne tactique, ce furent les nouveaux engins dont il pourvut son corps d’attaque. Les Macédoniens passent pour avoir inventé les balistes et perfectionné les machines de guerre ; Philippe en