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la mère-patrie. Les Athéniens, qui attachaient le plus grand prix à la conservation de cette riche colonie, s’efforçaient de la faire rentrer sous leur obéissance ; repoussés à diverses reprises, ils la serraient enfin de près. Perdiccas, sous prétexte de secourir la ville assiégée, y mit garnison. L’occupation de cette place maritime n’importait pas moins à la Macédoine qu’aux Athéniens ; elle ouvrait au premier pays la mer Egée, elle servait de rempart à la république d’Athènes contre toute tentative faite pour lui enlever l’empire de cette mer. Aussi tous les efforts des Athéniens, une fois qu’ils l’eurent vue tomber aux mains des Macédoniens, tendirent-ils à la reprendre. Pour dominer la Grèce, la Macédoine avait besoin de devenir une puissance maritime. La possession d’Amphipolis fut donc pour ce royaume un objectif du même ordre que de nos jours, pour la Prusse, la possession du Holstein et du Slesvig ; comme ces provinces, Amphipolis vit jaillir de son sein l’étincelle qui allait allumer l’incendie.

Philippe se chargea d’accomplir l’œuvre que Perdiccas III n’avait qu’ébauchée. Il ne suffisait pas à la Macédoine, pour arriver à dominer la Grèce, de pouvoir opposer un jour une flotte à la sienne, il fallait par une organisation militaire plus parfaite, par une habile et vigilante administration, se mettre en mesure de lutter avec les immenses ressources dont avaient disposé jusqu’alors les villes helléniques. Les circonstances permirent à Philippe de se livrer tout entier à cette tâche préparatoire, deux guerres ayant occupé pendant treize années les forces des Athéniens et des principaux états de la Grèce.


II

La bataille d’Ægos-Potamos, où Lysandre anéantit la flotte athénienne, fut un véritable Trafalgar pour la marine de l’Attique, et la campagne qu’ouvrit cette grande victoire de Lacédémone fut pour sa rivale quelque chose d’analogue à ce qu’ont été pour nous 1813 et 1814. Athènes en l’an 404 avant Jésus-Christ, comme la France lors de la dernière campagne d’Allemagne, se vit abandonnée de tous ses alliés. Envahie comme l’a été Paris en 1814, elle trouva chez les Spartiates, après ses malheurs, la même modération que notre capitale rencontra chez les puissances coalisées. Les vainqueurs ne s’attachèrent qu’à mettre les Athéniens dans l’impuissance de reprendre une hégémonie qui alarmait l’indépendance des autres cités helléniques et humiliait leur orgueil. Athènes avait été redoutable, elle avait fait la loi à la Grèce quand son gouvernement était entre les mains habiles et fortes d’hommes qui représentaient les aspirations et les besoins du peuple, et en servaient mieux les