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longues études, de lourds sacrifices, et ceux d’un métier pour lequel aucun apprentissage n’avait été nécessaire ; mais comment les distinguer les uns des autres ? En cherchant à les subdiviser par catégories, ne risquerait-on pas de tomber dans la confusion et l’arbitraire, de substituer aux inégalités existantes des inégalités bien autrement criantes ?

« En résumé, dit M. Gladstone après avoir examiné et discuté les principaux griefs auxquels donnait lieu l’income-tax, le gouvernement pense que cet impôt est un instrument d’une puissance gigantesque pour accomplir les grandes entreprises nationales. Cependant, parmi les moyens d’application, il en est qui rendent difficile, peut-être même impossible, et dans tous les cas peu désirable de le garder comme une des ressources ordinaires du pays. Le sentiment d’inégalité qui s’y attache est un fait très important par lui-même. Les investigations auxquelles l’assiette de cet impôt donne lieu sont un inconvénient des plus graves, et les fraudes qu’il engendre sont surtout un mal qu’on ne saurait réprouver en termes trop énergiques. Or entreprendre de corriger de pareilles défectuosités serait vouloir se livrer non pas à un travail herculéen, car un travail herculéen, Hercule eût pu l’accomplir, mais à un travail dont le résultat serait, par suite des billevesées et des absurdités auxquelles il donnerait l’occasion de se produire, la désorganisation d’une ressource qu’il faut ménager pour les jours difficiles. » Quant à lui et à ses collègues, ajoutait M. Gladstone, ils ne consentiraient jamais à assumer une pareille responsabilité, et ils pensaient que le parti le plus sage était de ne pas y toucher du tout, de mettre l’arme de côté aussitôt que cela serait possible, et de la laisser reposer ainsi intacte dans le fourreau, pour l’en retirer et s’en servir lorsque l’honneur et le devoir l’exigeraient de nouveau.

M. Gladstone concluait que, l’income-tax n’étant susceptible d’aucun amendement, il fallait viser à le mettre de côté le plus tôt possible, que néanmoins, puisque les nécessités financières en réclamaient encore le maintien, il convenait d’en profiter pour entreprendre une nouvelle révision des tarifs, et de le garder même assez de temps pour permettre à cette réforme de produire tout son effet. En conséquence il proposa de réduire successivement les droits sur les journaux, les voitures de place, le savon, le thé, ainsi que sur cent trente-trois articles de douane, et de le supprimer sur cent vingt-trois autres, ce qui devait procurer une décharge de 2,568,000 liv. st. pour 1853, de 3,675,000 liv. st. pour 1854 et de 5,400,000 liv. sterl. pour les années suivantes. Par contre, l’income-tax était conservé jusqu’en 1860 au taux de 7 deniers pendant les deux premières années, de 6 deniers pendant les deux suivantes, et de 5 deniers pendant les trois dernières. Il devait être étendu, mais à raison