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que vinrent aggraver encore les deux mauvaises récoltes de 1846 et de 1847. Non-seulement les recettes de cette dernière année ne réalisèrent pas les prévisions, non-seulement elles restèrent inférieures de plus de 1 million de liv. sterl. aux besoins ordinaires, mais, pour nourrir l’Irlande, le gouvernement fut obligé d’emprunter 8 millions de liv. sterl., et, si les réformes de Robert Peel n’avaient pas été seules à produire la prospérité des années précédentes, du moins est-il juste de reconnaître qu’elles contribuèrent puissamment à adoucir les souffrances qui suivirent.

Ces souffrances n’étaient pas finies, lorsque de nouvelles circonstances vinrent au commencement de 1848 compliquer la situation. Ce fut d’abord la révolution de février en France, révolution qui inspira en Angleterre de sérieuses inquiétudes pour le maintien de la paix, et en présence de laquelle lord John Russell et ses collègues crurent devoir augmenter les arméniens du pays ; ce fut ensuite le développement pris par la guerre de Cafrerie, et enfin la détresse des planteurs de café et de sucre aux Indes occidentales, détresse attribuée à la concurrence que leur faisaient sur le marché anglais les producteurs étrangers. Un accroissement de revenus pour l’exercice 1848 n’était donc pas probable ; une augmentation de dépenses était au contraire certaine, et cependant c’était au mois d’avril de cette année qu’expirait l’income-tax. Lord John Russell présenta le budget au mois de février, et il en évalua les besoins à 54,500,000 livres sterling, y compris diverses additions pour les services de l’armée et de la marine. Quant aux recettes, privées du produit de l’income-tax, elles ne devaient être que de 46 millions de livres sterling. L’insuffisance des ressources était de 8,500,000 livres st. Force était donc de maintenir encore cet impôt ; il ne s’agissait plus en effet cette fois comme en 1845, au milieu d’une situation prospère, d’aider une réforme utile ; il fallait subvenir à la pénurie du trésor. De plus, comme le produit de 7 deniers n’aurait pas suffi pour couvrir le déficit, le ministre demanda que ces deniers fussent portés à 10. Cette proposition souleva les réclamations les plus vives au sein du parlement et au dehors, et le gouvernement dut étudier un autre plan de finances. Peu à peu cependant les craintes de guerre et d’invasion disparurent, la-rentrée des impôts devint plus facile et plus abondante, et au mois de juin le chancelier de l’échiquier, sir Charles Wood, put présenter un nouveau budget dans lequel les dépenses étaient réduites de 800,000 liv. sterl., les prévisions de recettes accrues de 900,000 liv. sterl. ; une partie des frais de la guerre de Cafrerie était mise à la charge de la dette flottante, et le taux de l’income-tax ramené à 7 deniers. Le sentiment public se prononçait de plus en plus contre cet impôt, et, pour bien constater qu’il n’était maintenu qu’à titre de ressource temporaire, le