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renseignemens évidemment dérisoires. De là un triage nécessaire et difficile pour distinguer le vrai du faux.

Comme impression générale, M. Oliver ne cache pas que la loi non-seulement n’est pas exécutée, mais ne le sera jamais pleinement. Il y aura des soumissions partielles, on n’obtiendra point l’obéissance complète, comme cela doit être en matière de législation. D’ordinaire ce sont les chefs d’établissemens qui se montrent accessibles à des concessions sérieuses ; ces concessions, on les demandera vainement aux subordonnés, d’autant plus rebelles qu’on descendra plus bas dans la hiérarchie. Jusqu’ici, la loi a donc été impunément et universellement violée. La plupart des manufactures travaillent jusqu’à soixante-six heures par semaine, c’est-à-dire six heures de plus que le temps prescrit ; ceux qui emploient les enfans prennent sur les heures d’école pour augmenter les heures de travail, tantôt imposant de trente à soixante heures par semaine, tantôt et dans beaucoup de cas plus de soixante heures. C’est comme un défi jeté au texte légal, que chacun brave à sa façon. En France, sous une inspection gratuite, nous avons vu les mêmes abus se produire ; il est douteux qu’ils disparaissent sous une inspection salariée. En Angleterre, le contrôle mutuel des fabricans a plus fait que la surveillance des inspecteurs, et encore les abus persistent-ils, au dire des hommes du métier ; les apparences seules sont sauvées. Il n’est pas étonnant dès lors que l’humeur ombrageuse des Américains se soit offusquée de ce que n’ont toléré qu’avec peine les Anglais et les Français. Le Massachusetts risque donc de n’avoir en fait de loi qu’une lettre morte, et il ne semble pas plus heureux dans la police de ses écoles. M. Oliver cite à ce sujet une de ses déconvenues, bien faite pour rendre suspects les calculs qui ont pour objet le degré d’instruction chez le peuple. Il n’est dépense que cet état ne fasse en vue de ce service ; son ambition, la plus louable des ambitions, était qu’il ne restât pas un illettré sur son territoire. Voici pourtant ce qui s’est passé à Lawrence, en plein Massachusetts : sur les registres de la paie, M. Oliver a relevé les signatures de 4,000 ouvriers qu’occupent les quatre principaux établissemens de la localité. Vérification faite, il s’est trouvé que 1,400 d’entre eux, plus du tiers, ne savaient pas écrire, et comme acquit avaient mis une croix au bas de leurs noms. Multipliez donc les écoles pour aboutir à de telles surprises !

En serait-il de même à Lowell, qui, sur 37,000 âmes, compte 7,000 enfans reçus dans 57 écoles, et qui s’est imposé pour cela en 1866 une charge de 78,000 dollars ou 342,000 francs ? M. Oliver ne le dit pas ; il est pourtant à craindre qu’il n’y ait à Lowell, ainsi qu’à Lawrence, des non-valeurs dans le budget de l’éducation. Ces