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auprès des formidables récapitulations du travail des fabriques d’indiennes qu’il convient de fixer comme élémens de statistique et objets de curiosité. La maison Sprague par exemple réunit à elle seule dans ses vastes établissemens 16 pantographes, 4 gravures sur rouleau à la molette, enfin 30 machines à imprimer, produisant 30,000 pièces de 40 yards par semaine, soit 1,200,000 yards de calicots ordinaires (prints), plus 1,200 pièces de 35 yards de jaconas (lawns), soit 42,000 yards : en tout 1,242,000 yards par semaine. De leur côté, les 22 machines des Pacific Mills donnent issue chaque jour à une expédition de soixante-quinze à quatre-vingt-cinq caisses d’impression contenant chacune 2,000 yards. Enfin le Merrimack manufacturing livre à la consommation 475,000 yards de tissus par semaine. Il y a sans dire qu’à chacune de ces grandes existences manufacturières répond une existence commerciale analogue dont le siège principal est à New-York, avec des agences distribuées dans toute la confédération. Naturellement l’impulsion que donnent ces établissemens de premier ordre est suivie par les moyens et petits établissemens, et il en est beaucoup parmi ces derniers où, sur une échelle plus réduite, on retrouve les mêmes résultats, si ce n’est des résultats meilleurs. Il ne faut pas croire en effet que tout soit profit dans une production exagérée ; il y a une limite où les avantages de ce système sont au moins balancés par d’inévitables inconvéniens. Ce qui est commun à tous, c’est la nécessité d’écouler sur place toute la matière Qu’ils emploient, de convertir tous leurs filés en tissus et de placer tous ces tissus écrus ou teints sur leur propre marché, sans en rien distraire. Des gens irréfléchis verraient là un sujet de triomphe, c’est au contraire une condamnation et un signe irrécusable d’infériorité.

Nous voici fixés sur les locaux et les machines, sur la matière qui entre dans ces ateliers ou qui en sort, sur les richesses qui s’y créent ; il ne nous reste plus qu’à voir et étudier de près la population répartie entre les divers services. Comme en Europe, le mélange des sexes est le régime dominant ; l’on peut même dire que l’emploi des femmes a été l’idée initiale de l’industrie du coton aux États-Unis. Au début, dans la période des grands défrichemens, aucun bras d’homme ne pouvait s’en détourner, les femmes y aidaient dans la mesure de leurs forces ; même lorsque le peuplement se fut accru, il n’y eut de disponibles que des jeunes filles, rares d’abord, puis plus nombreuses, que les fermiers, devenus plus aisés, répugnaient à employer aux durs labeurs des cultures. Ce fut là-dessus que la colonie de Lowell fut fondée, non-seulement à cause des chutes de son fleuve, mais pour tirer parti de l’essaim d’ouvrières répandu dans les exploitations du voisinage. Sorties de familles honnêtes, ces jeunes filles