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première fabrique suivit de près les premières cultures. On en cite la date et le lieu ; on cite également le nom de l’entrepreneur, Samuel Slater : il s’établit en 1790 à Pawtucket dans le Rhode-Island. La spéculation était des plus naturelles : introduire la fabrication au siège même des récoltes de la matière première ; cette fois pourtant le calcul ne fut pas justifié, Pawtucket n’eut qu’une existence éphémère. L’Angleterre, armée de ses découvertes mécaniques, ne souffrait plus de concurrens pour le débouché des tissus de coton. Pendant trente ans, il fallut, sous peine d’échec, courber la tête aux États-Unis comme ailleurs ; la production de ceux-ci, très limitée, se réduisait à quelques étoffes communes d’usage local. En 1822 seulement, un élan sérieux partit de Boston, qui avait donné à la confédération de grands hommes politiques, et devait lui donner aussi d’habiles manufacturiers. A 10 lieues de la ville coule le Merrimack, dont les chutes sur un espace resserré fournissent une force de 12,000 chevaux. Une société de capitalisas eut bientôt vu ce qu’elle pouvait tirer de ces trois conditions réunies : un moteur presque gratuit, du coton sous la main et l’emploi de machines anglaises arrivées au dernier degré de la perfection. Ce fut l’origine de l’établissement de Lowell, dont Ha notoriété est devenue si grande, petit bourg d’abord, aujourd’hui ville de 36,000 âmes. Qui n’a lu l’histoire de cette colonie racontée à ses débuts ? A voir les lieux, c’est toujours la même légende, quoique le temps et les effets du nombre en aient un peu altéré les traits ; mais cette légende dût-elle complètement s’effacer, il n’en resterait pas moins à Lowell l’honneur d’avoir été aux États-Unis le berceau de l’industrie des tissus de coton.

Cette industrie n’a eu depuis lors d’autre éclipse que celle dont les calamités d’une guerre de quatre ans ont été cause : sauf cet incident, la marche en a toujours été aussi heureuse que rapide ; on s’en assure en la suivant jusqu’à la période la plus récente. En 1831, huit ans après la fondation de Lowell, le nombre des établissemens distribués dans la zone qu’il occupe était de 795, mettant en œuvre l,246,503 broches et 33,506 métiers, lesquels consommaient 215,000 balles de coton, et employaient environ 19,000 hommes, 39,000 femmes et 5,000 enfans. La valeur annuelle de cette fabrication était de 26 millions de dollars, 130 millions de francs. À cette date, il n’y avait pas encore de filatures au sud de la Delaware. En 1840, le rayon s’étend ; on arrive à 2,112,000 broches : Lowell a des villes rivales dans Lawrence, Providence et Fall-River. Dix ans après, le nombre des broches est de 2,510,000, la consommation du coton de 540,000 balles. Enfin entre 1850 et 1860, une sorte de révolution s’opère dans l’économie de la manufacture ; les petits