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la France la possession des trois évêchés, que le traité du Cateau-Cambrésis nous assura définitivement en 1559. Au congrès de Munster, en 1648, pas une voix de l’empire ne s’éleva pour la revendication des trois évêchés. En ce qui regarde l’Allemagne, Charles-Quint approuva les deux recez d’Augsbourg, de la même année 1555, dont le premier acceptait la confession d’Augsbourg, rejetée en 1530, et le second sanctionnait la transaction de Passau avec le maintien du statu quo pour tout le monde. Du reste l’Allemagne avait été si reconnaissante envers la France des événemens accomplis en 1552 et 1553, que, le bruit ayant couru à cette époque d’une maladie qui mettait en péril les jours de l’empereur, les princes allemands songèrent sérieusement à porter Henri II au trône impérial. Une correspondance fut ouverte à ce sujet, en 1553, avec le comte de Mansfeld et Maurice de Saxe, et le rétablissement seul de la santé de l’empereur y coupa court[1].

Jamais, dit le célèbre historien de la Guerre de Trente ans, la puissance impériale ne s’était élevée plus haut qu’après la victoire de Mühlberg. Avec la ligne de Smalkalde parut avoir péri pour jamais la liberté germanique. Elle renaquit cependant dans la personne de Maurice de Saxe, qui avait été d’abord son redoutable ennemi. Grâce à lui et à l’alliance française, les funestes desseins de Charles V s’évanouirent au congrès de Passau, et le traité d’Augsbourg accorda aux princes allemands des conditions satisfaisantes, dont la violation provoqua plus tard la guerre néfaste qui jeta de nouveau l’Allemagne dans un abîme de maux, et dont elle ne s’est tirée que par l’appui nouveau de la France. Il est en Europe un équilibre d’influence et de pouvoir qu’on ne rompt pas impunément pour la civilisation et le repos des états. Nous souhaitons que les princes de Saxe, de Bavière, de liesse, de Mecklembourg, de Wurtemberg, d’Anhalt et autres, dont les pères signèrent jadis la ligue de Smalkalde, invoquèrent le secours de nos rois, et, après leur avoir cédé les trois évêchés, se réjouirent de la résistance de Metz en 1553, ne regrettent point amèrement un jour le malheur de la noble cité austrasienne, qui a succombé, en 1870, après avoir tenu trois mois en échec les armées puissantes du présomptif successeur de Charles-Quint.


CH. GIRAUD, de l’Institut.

  1. Voyez la collection de Menken, tome II.