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qu’après les dernières extrémités, fit connaître au roi combien une diversion était souhaitable malgré l’excellent état de la place, qui résistait héroïquement à toutes les attaques. Le roi, suivi du connétable, vint à cet effet en Champagne avec une suite nombreuse, d’où il inquiéta beaucoup l’armée impériale en interceptant ses convois et en menaçant ses lignes. L’empereur, irrité de la résistance inattendue de Metz, détacha le comte d’Egmont sur Toul, espérant par une marche rapide surprendre cette ville et obtenir au moins ce succès, si Metz lui échappait. Toul se défendit admirablement, quoique ses fortifications fussent fort délabrées. L’empereur était désespéré. On était au cœur de l’hiver ; la maladie, les privations, la rigueur de la saison, la mutinerie, désolaient son armée. La guerre de détail que lui faisait le duc de Guise le ruinait. Il essaya de la sape sur un point, mais l’eau que l’on trouvait à mesure qu’on creusait obligea d’y renoncer. Jamais les troupes françaises n’avaient été si bien commandées, ni animées d’un tel esprit. Vaincre ou périr, dit un témoin oculaire, était le cri général.

L’empereur accablé, comprenant la portée d’un revers qu’il redoutait, assembla son conseil de guerre vers le 10 janvier, et, croyant une brèche praticable vers la porte de Champagne, il proposa de faire un dernier effort pour y donner l’assaut avec toutes les masses de l’armée réunies. Ses généraux lui remontrèrent combien l’entreprise était téméraire, et ne lui cachèrent pas qu’on ne pouvait livrer un assaut, où le nombre des assaillans n’était qu’un élément de désordre, contre la fleur de la noblesse française, aussi résolue que bien disciplinée, contre des troupes d’élite pleines de confiance, — qu’on attaquerait avec des soldats affaiblis et découragés, empruntés à tant de nations, et dont la plupart ne cherchaient que l’occasion de déserter. Malgré ces représentations, l’empereur donna l’ordre de se préparer à un assaut général, espérant que la constance des assiégés ne résisterait point à un appareil si redoutable, et qu’un si grand péril, vu de si près, les déciderait à capituler ; mais ce n’était point ainsi que l’entendait le duc de Guise. Au jour annoncé pour l’assaut, l’armée française apparut, rangée en bataille, sur le rempart en ruine, le duc de Guise à la tête, chaque prince, chaque seigneur sur le front de sa troupe, tous la pique à la main, et dans ce moment solennel François de Guise, se tournant vers les siens avec une contenance assurée, leur adressa d’une voix vibrante une de ces harangues à l’antique, telle que tous les esprits cultivés en pouvaient faire au XVIe siècle. La tradition contemporaine nous a conservé des fragmens de ce discours, auquel l’armée répondit par une bruyante acclamation. L’armée ennemie était en face, également en bataille. L’empereur souffrant se fit porter au milieu des rangs ; mais vainement il commanda l’assaut. Ses