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que le temps apportera, et si ledit empereur sera aussi soigneux et fidèle observateur de sa foi et promesse que l’on pourrait bien s’être trop avant promis en cet endroit. Quant à moi, l’on se peut assurer que je demeure au même désir et affection que j’ai porté et porte au bien, protection et conservation de la liberté germanique ; délibéré, toutes et quantes fois que les occasions s’en présenteront, de continuer à en faire telle preuve et démonstration qu’il appartient à prince de foi, d’honneur et de vertu. » Henri II et les princes allemands se séparaient ainsi, amis loyaux et satisfaits, après la transaction de Passau, avantageuse pour l’Allemagne, mais qui laissait le roi de France seul en présence d’un adversaire redoutable, toutefois en signant la transaction les confédérés avaient réservé ce qu’on nomme en diplomatie la satisfaction de la France leur alliée, et vivement insisté pour la faire admettre. Les représentans de l’empereur s’étaient obstinément refusés d’obtempérer à ce vœu des confédérés, dont l’inexécution sembla laisser quelque regret à l’évêque de Bayonne. Le roi avait noblement rendu leurs otages à ses alliés, mais en retenant leur parole pour le maintien, en ce qui les touchait, du traité de 1551 relativement aux compensations, c’est-à-dire aux trois évêchés occupés. Ils s’y étaient obligés, car après que Henri II fut établi dans Metz et y eut constitué un lieutenant de roi, Maurice et les princes allemands avaient envoyé des députés dans cette ville pour régler sa soumission à la loi française, tout en respectant ses libertés municipales[1]. Le roi avait donc résolu de garder ces villes de Lorraine, qui par un ancien droit appartenaient à la France, et qui lui avaient été cédées par le traité. Elles étaient en sa puissance, et il les regardait comme nécessaires pour défendre sa frontière de Champagne.

Il survint alors un incident fort singulier, signe des temps calamiteux de cette époque. Albert de Brandebourg ne voulut point suivre Maurice dans la voie des négociations. Nature violente et emportée, il aimait la guerre pour la guerre, au rebours de Maurice, qui ne la faisait que pour avoir la paix. Il se sépara donc du duc de Saxe dès que ce dernier parut se prêter à une pacification. Il quitta l’armée des princes, suivi de quelques partisans, ravagea les terres de l’ordre teutonique, et frappa de contribution la ville de Nuremberg, à laquelle Maurice avait donné garantie et sauvegarde. Honni de ses anciens alliés, il ne mit aucune borne à sa fureur, brûla villages et châteaux, églises et abbayes, et obligea les évêques de Bamberg et de Wurtzbourg à des capitulations ruineuses. Toute la haute Allemagne trembla devant ce forcené, qui se prévalait toujours de l’alliance d’Henri II. L’évêque de Bayonne désavoua

  1. Les pouvoirs relatifs à ce règlement sont dans Menkon, loc. cit. , p. 1444.