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qu’étaient tournés ses regards. Un grand intérêt de famille et de politique le poussait de ce côté. Le connétable de Montmorency, son conseil si attaché, l’éloignait d’une nouvelle aventure avec l’Allemagne et Charles V. La maison de Guise, dont le crédit balançait celui du connétable, quoiqu’elle fût vivement engagée aussi dans la question écossaise, où l’intérêt personnel de la maison de Lorraine était en jeu, acceptait cependant les périls d’une guerre avec l’Espagne et l’empereur. Pour éviter la complication d’une rupture avec l’Angleterre, que le mariage de Marie Stuart avec le dauphin avait mécontentée, et qui avait encore un pied dans le royaume par Boulogne et Calais, on fit la paix avec les Anglais, et un ancien soldat de François Ier, attaché aux princes allemands, le maréchal de Vieilleville, trancha la question germanique dans le conseil de Henri II. Une ligue avec Maurice, électeur de Saxe, avec Albert de Brandebourg et autres, pour la défense de l’Allemagne protestante, fut résolue. Henri II adressa une lettre en langue latine, datée de La Fère, du 3 mars 1551, aux princes secrètement confédérés pro Germaniœ patriœ libertate recuperanda, dans laquelle il leur annonçait que, après avoir mûrement examiné leurs propositions, il leur donnait sa parole de roi de les soutenir dans la lutte généreuse et désespérée qu’ils allaient entreprendre contre la tyrannie impériale[1].

La résolution de Henri II eût été folle, tout en restant généreuse, si un grand intérêt national ne l’avait point expliquée. L’habile Maurice et les Brandebourg le comprenaient très bien, et ils avaient triomphé de l’irrésolution du roi par une proposition qui valait en effet les chances d’une nouvelle lutte avec Charles-Quint. C’était celle d’un accroissement de territoire sur un point qui importait singulièrement à la sécurité de royaume. On avait justement reprocha à Louis XI d’avoir laissé sortir de la maison de France les vastes domaines de l’héritage de Bourgogne, que la fille de Charles le Téméraire avait portés dans la maison d’Autriche, et qui, par la crainte chimérique d’un nouveau grand vassal redouté de Louis XI, avaient fait passer sous la puissance d’un souverain étranger une partie de la France de Philippe-Auguste, en découvrant la frontière du royaume par des côtés très vulnérables. Le mal était désormais irréparable ; mais un remède était aux mains de la libre Allemagne, qui, par la séparation des anciens royaumes francs de Neustrie et d’Austrasie, des Francs occidentaux et des Francs orientaux, par la formation des royaumes de France et d’Allemagne à l’époque du démembrement de l’empire de Charlemagne,

  1. La lettre est imprimée dans l’ouvrage de M. de Langenn, trop peu connu en France, et où la figure si remarquable de Maurice se dessine en traits attachans et nouveaux.