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dans cet ouvrage, à l’année 1265, qu’il vient d’achever une mappemonde sur douze peaux de parchemin. L’expression dont il se sert, mappam descripsi, marque évidemment qu’il copiait un modèle, et non pas qu’il était le premier auteur. L’important serait de fixer quels sont sur notre carte les traits les plus anciens par la date, et quels sont les plus modernes. Il n’y en a pas qui soient plus récens que le XIIIe siècle ; c’est le moine copiste qui a probablement marqué lui-même la forêt des Vosges et la forêt Marciane, la même que la Forêt-Noire : ce sont les seules qui figurent sur la carte. C’est encore de lui sans doute qu’émane l’indication ad sanctum Petrum, par laquelle il désigne la basilique de Saint-Pierre, à Rome. Quant aux plus anciens indices que la carte de Peutinger nous révèle, ils remontent jusqu’au commencement du règne d’Auguste, puisqu’elle fait usage, de la division en quatre provinces : Narbonnaise, Aquitaine, Lyonnaise et Belgique, instituée par le fondateur de l’empire dès le commencement de son règne, l’an 29 avant l’ère chrétienne. D’autres circonstances permettent de faire remonter la composition première jusqu’à ce même point de départ : ainsi elle ne s’étend, du côté de la Germanie, qu’un peu au-delà du Rhin, et ce semble, jusqu’au Wéser. Plusieurs exemples démontreraient que les obstacles opposés par le cadre n’ont guère gêné le dessinateur, qui se faisait peu scrupule d’abréger les rivages et de resserrer les espaces. Il y a donc lieu de penser que le Wéser était tout au moins la limite qu’il ne voulait pas dépasser, c’est-à-dire la limite de la Germanie connue ou du moins occupée par les armes romaines au moment de ce travail. Or c’est au commencement du règne d’Auguste que, l’Elbe n’étant pas encore atteint par les armées de Drusus, le Wéser marquait la vraie frontière des excursions romaines vers le nord-est de l’empire. D’autre part, certaines indications de la carte, soit parmi les villes du Rhin, soit entre les populations de la Germanie, nous reportent à des époques ultérieures et n’ont pas pu coïncider avec les précédentes. C’est ainsi que la ville actuelle de Cologne se trouve là déjà désignée sous le nom latin qui est devenu son nom moderne. La carte dit Agripina, c’est-à-dire (telle était la dénomination complète) colonia Agrippinensis. La célèbre Agrippine, fille de Germanicus, femme de Claude et mère de Néron, avait, vers l’année 50 après Jésus-Christ, fondé une colonie là où les Romains ne connaissaient auparavant qu’un temple ou autel païen, desservi par la tribu germanique des Ubiens, Ara Ubiorum. Enfin parmi les populations allemandes nommées par l’auteur de la carte au-delà du Rhin figurent les Alamans, qui ne commencent à paraître qu’au temps de Caracalla, à la fin du second ou au début du me siècle, et les Francs, qui n’ont été connus pour la première fois qu’au milieu de cette dernière période. Si la carte eût été dessinée au même temps qu’arrivaient ces données ultérieures, les frontières n’y eussent sans doute pas été les mêmes, et