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trop coûteux. Un des plus intéressans consistait à faire des couches sans fumier, que l’on chauffait comme les bâches de serre, au thermosiphon, c’est-à-dire par circulation d’eau chaude, tandis que le terreau de la bâche recevait une certaine dose d’engrais puissant, tel que la colombine ou le guano. Après quelques tentatives de ce genre, c’est encore au fumier qu’on en est revenu[1].

Nous voici bien loin aujourd’hui de ces préoccupations paisibles, et pour être encore à l’abri des incursions de l’armée prussienne, tenue en respect par le feu des forts, les marais n’en sont guère mieux. Tout autour de Paris et au pied même des remparts règne depuis un mois un odieux pillage. Le signal est parti, il faut malheureusement le reconnaître, de ceux qui auraient dû veiller au respect des propriétés et des personnes. Des soldats des troupes régulières, des gardes mobiles, des gardes nationaux sédentaires, ont en quelque sorte donné l’exemple de la maraude. Nous ignorons quelles mesures ont été prises à ce sujet par les chefs de l’armée active ; mais, en ce qui concerne la garde nationale de Paris, un ordre du jour du général Tamisier a récemment rappelé au devoir les hommes qui s’en écartaient. Ce sont maintenant des bandes d’enfans, de femmes et de gens de tout âge qui se jettent sur les jardins, brisent les portes et les clôtures, injurient et menacent quiconque leur résiste, et portent en un mot partout une dévastation aussi stupide que le pourrait faire une nuée d’animaux malfaisans. Tout dernièrement, le jour même du combat de Rueil, nous assistions encore à ces scènes de désordre dans la campagne de Vanves et d’Issy. — « Il serait plus heureux, disaient alors les habitans, de voir l’ennemi dans nos villages ! » De tels vœux, s’ils étaient sincères, seraient sans doute bien coupables ; mais il n’y faut voir que l’expression d’un ressentiment trop facile à comprendre. Sans invoquer ici les argumens de droit, de justice ou d’humanité, rappelons l’urgence qu’il y aurait, dans l’intérêt même de la défense, à faire cesser un si fâcheux état de choses. Il est indispensable à la santé publique que nous puissions nous procurer longtemps encore une nourriture végétale fraîche et des légumes verts. On le sait si bien que le ministre de l’agriculture a chargé M. P. Joigneaux de diriger dans Paris même un service spécial de culture potagère ; mais il nous paraît difficile que les efforts de M. Joigneaux, dont nous reconnaissons volontiers l’habileté, puissent, dans cette saison surtout, être suivis d’un grand succès. Au témoignage des hommes du métier, pour

  1. C’est à dessein que nous omettons de parler ici des curieux essais de culture maraîchère à l’eau d’égout tentés aux environs d’Asnières et de Clichy par les ingénieurs de la ville de Paris. Ces expériences qui, malgré leur nouveauté, ont donné cet été de remarquables résultats sur une surface à la vérité très restreinte, ne doivent pas être mentionnées incidemment et méritent qu’on les examine à part.