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chers. Il ne la juge pas (nous citons textuellement, on s’en apercevra de reste) « par les gamins de Paris, soit qu’ils se révèlent à nous par écrit, en ces élégans articles signés Cassagnac père, Cassagnac fils et consorts, soit qu’ils nous arrivent en personne de Wissembourg déguisés en ces suaves zouaves, travestiti in que’ soavi zuavi. » Indigne insulte que ces dernières paroles adressées à des soldats tels que ceux d’Abel Douay et de Mac-Mahon ! et l’expression y est à la hauteur de la pensée.

Après son étrange protestation d’équité envers la France, M. Mommsen parle avec la froide amertume qui lui est propre de ce peuple de byzantins, de ce peuple vantard, insatiable de guerre, incapable de tolérer et de respecter la liberté des autres, incapable aussi de supporter les malheurs qu’il s’est attirés, et qui va passer « de la blague au désespoir. » Rappelons-nous ce qu’a dit M. Mommsen dans sa première lettre à propos de cette littérature française « aussi sale que les eaux de la Seine à Paris. » Rappelons-nous ce qu’il a toujours professé dans ses précédens écrits historiques, dans son Histoire romaine par exemple, où, reconnaissant aux seules races germanique et anglo-saxonne le sentiment de la poésie et le génie des arts, il prend en pitié l’humiliation de ces races par lui proclamées souveraines, lorsqu’il les voit, aux divers temps d’arrêt de leur fécondité poétique, se livrer à ce qu’il appelle « les tristes pis-allers de la culture française. » Ces souvenirs nous éclaireront sur sa vraie pensée.

Nous voudrions, en répondant à tant de récriminations envenimées, nous replacer nous-même dans la réalité, et, reconnaissant nos torts ou nos fautes, montrer où commence l’insupportable excès où se jettent nos ennemis. Pour ce qui est de la première thèse, que la France est coupable de cette guerre, qu’elle la méditait et la préparait depuis trente ans, et qu’elle seule a vraiment attaqué, écartons certaines équivoques et rétablissons les choses au vrai. Oui, selon la lettre et la réalité, c’est le gouvernement français qui vous a déclaré la guerre ; selon l’esprit et la vérité, c’est vous qui l’avez rendue à peu près inévitable, et qui en répondez devant Dieu. Quant à l’assentiment donné par le pays, voici sincèrement comment et dans quelle mesure nous croyons qu’il a été obtenu. La Prusse, en reprenant les traditions d’une politique à la fois violente et perfide, en organisant au centre de l’Europe une formidable machine de guerre chargée à outrance et qui ne pouvait tarder à éclater, en spoliant des princes allemands aussi souverains qu’elle, en détruisant la confédération germanique, en dépouillant le Danemark avec l’aide de l’Autriche et ensuite l’Autriche avec la connivence d’une diversion italienne fort utile à ses vues, nous avait tout au moins