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exagéré, et dont la dépense, quel que soit le chiffre qu’elle puisse atteindre, est le meilleur placement que la France puisse faire aujourd’hui.

Aucun document officiel sur les finances n’ayant été publié jusqu’ici, on est réduit aux conjectures ; mais, si l’emprunt de 1 milliard contracté au mois d’août ne suffisait pas, il est évident qu’il faudrait se créer d’autres ressources, et nous sommes convaincu que la haute banque, dont les dispositions sont on ne peut plus patriotiques, trouverait facilement, soit en France, soit en Angleterre, soit aux États-Unis, les ressources dont nous avons besoin pour organiser la lutte sur des proportions formidables. L’Angleterre notamment, qui a déjà, dit-on, prêté de grosses sommes à M. de Bismarck, ne serait pas fâchée de se couvrir en France des risques qu’elle peut courir en Prusse, et réciproquement. Nous ne croyons pas surfaire l’intérêt que nous portent nos excellens alliés en supposant qu’il peut aller jusque-là.

L’organisation de la défense, sans méconnaître l’étendue des services rendus, a été un peu au jour le jour, non par défaut d’intelligence ou de patriotisme, mais par défaut de foi. En entreprenant de mettre Paris en état de défense, on accomplissait un devoir civique ; on comptait peu sur le succès. Le succès est venu, Paris a été rendu inexpugnable. Alors, poussé par le sentiment public, on a songé à l’offensive, sans beaucoup croire au succès de l’offensive. Aujourd’hui l’offensive peut réussir.

Nous demandons maintenant qu’on croie d’avance à l’armement de toute la population valide de France, de 1,500,000, de 2 millions d’hommes ; nous demandons que toutes nos fabriques d’armes travaillent jour et nuit, que toutes celles de l’Angleterre, de la Belgique, des États-Unis, soient mises à contribution, et cela sans retard, que le crédit de la France soit engagé sans autre limite que celle des besoins, et qu’on ne renvoie pas à demain ce qui peut être fait aujourd’hui. Toute considération d’économie serait ici déplacée, illusoire et préjudiciable à nos intérêts les plus vitaux.

Si le gouvernement de la défense nationale conçoit sa tâche avec cette largeur, s’il ne se laisse arrêter ni par la routine, ni par les préjugés des corps spéciaux, ni par des considérations d’une économie mal entendue ; s’il sait tirer parti, en un mot, des admirables dispositions de l’esprit public, nous avons la confiance qu’il délivrera la France, qu’il repoussera l’étranger, et qu’au point de vue tout au moins de la partie extérieure de son programme il aura fondé la république. Quel gouvernement en effet pourrait se poser en rival de celui qui, ayant trouvé la France dans cet abîme de honte et de douleur, l’aurait relevée, ranimée, délivrée et portée à