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« L’institution de Sainte-Périne est destinée à venir en aide, sur la fin de leur carrière, à d’anciens fonctionnaires, à des veuves d’employés, à des personnes qui ont connu l’aisance et sont déchues d’une position honorable. On y est admis à partir de l’âge de soixante ans révolus. » La pension est de 850 francs, indépendamment d’une somme annuelle de 100 francs, destinée à représenter la valeur du mobilier et du trousseau. — De 268 lits que cette maison contient, 259 étaient occupés à la fin de l’année dernière.

Tels sont les différens établissemens dont l’assistance publique dispose pour les privilégiés de l’indigence ; mais l’administration se trouverait dans un cruel embarras, si ses ressources hospitalières réservées aux vieillards et aux infirmes se bornaient aux sept maisons que je viens de citer. En présence du chiffre énorme d’individus frappés par des maux incurables, par les infirmités de la vieillesse, par la misère absolue, il faut de vastes hospices, une bienfaisance très active, une gratuité d’admission que nulle restriction ne puisse atteindre. A toutes les épaves que notre civilisation rejette sans cesse, il faut ouvrir des ports de refuge où le vieillard puisse du moins attendre en paix la dernière heure, où l’enfant puisse s’armer pour le grand combat de l’existence. Ceux qui naissent et ceux qui meurent dans la misère appartiennent de droit à l’assistance publique ; l’extrême enfance, l’extrême vieillesse, c’est-à-dire les deux débilités par excellence, les deux âges impuissans, réclament et éveillent toute sa sollicitude.

Les peintres de la renaissance ont souvent symbolisé la charité sous la forme d’une femme laissant monter des grappes de nourrissons vers ses larges mamelles gonflées de lait. Notre assistance publique fait plus et fait mieux : si d’une main elle attire les enfans, de l’autre elle appelle et soutient les vieillards. Elle n’aurait qu’à compulser les registres où elle inscrit ses états civils pour constater que ce même vieillard auquel elle vient de fermer les yeux, elle l’a secouru dans la force de l’âge, elle l’a soigné dans sa jeunesse, elle l’a recueilli enfant dans la rue, où sa mère l’avait abandonné. Afin de sauver les enfans, elle a accepté et singulièrement agrandi l’héritage de saint Vincent de Paul ; afin de donner un dernier abri aux pauvres vieillards à bout de voie, elle a modifié et assaini les sombres geôles de Bicêtre et de la Salpêtrière. A la place de ces lieux d’horreur où le châtiment était aussi cruel que le crime, elle a installé l’hospice de la vieillesse pour les hommes et l’hospice de la vieillesse pour les femmes. Ces deux établissemens et celui des enfans assistés constituent un service d’hospitalité très fécond dans ses résultats et curieux à étudier avec quelque détail.