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humide, et ce climat tempéré se prête admirablement à la production de cette laine moyenne. »

Voici donc un pays où depuis plus d’un demi-siècle tout a été préparé et aménagé pour la production de la plus grande somme possible de laine. Or le prix de cette marchandise, après avoir oscillé pendant quarante ans entre 2 francs et 2 francs 50 cent, le kilogramme en suint, est tombé tout à coup l’année dernière à 1 franc 35 cent, ou 1 franc 40 cent., et ne se relève point encore cette année. On conçoit assez la panique pour qu’il soit inutile de la dépeindre. Atteints par les conséquences d’une baisse qui dépasse toutes les proportions ordinaires, les éleveurs de moutons se trouvent à l’heure qu’il est dans une situation difficile, que compliquent d’autant la sécheresse et le manque de fourrages. Plusieurs d’entre eux réclament avec chaleur l’établissement, à l’entrée des laines étrangères, de droits protecteurs équivalant à la prohibition absolue. D’autres se contenteraient de droits plus modérés, qu’ils verraient volontiers abolir, disent-ils, après qu’ils auraient eu le temps d’aviser au remède. D’autres enfin n’hésitent pas à déclarer que la protection, sous toutes ses formes, serait un vain et dangereux palliatif, et ils indiquent la voie que l’on doit se hâter de prendre. Ces opinions méritent d’être examinées. On ne refera pas ici pour la vingtième fois l’exposé des principes généraux de la liberté commerciale. On négligera également un point sur lequel tout a été dit, l’intérêt du consommateur, pour s’occuper surtout de l’intérêt du producteur. A quelles causes faut-il attribuer la subite dépréciation des laines ? quelles compensations y pourrait-on trouver ? quels conseils donner aux cultivateurs et que demander au gouvernement ? C’est là ce qu’il importe de savoir.


I

Le régime commercial, en ce qui concerne la laine, a beaucoup varié depuis cinquante ans. Avant 1820, le commerce était libre. À cette date, un droit protecteur de 20 pour 100 fut établi. En 1823, le droit fut notablement augmenté et porté à 60 francs par 100 kilogrammes, ce qui dura également assez peu. De 1826 à 1834, nous eûmes un droit de 30 pour 100 ad valorem ; un autre droit de 20 pour 100 ad valorem y fut substitué de 1835 à 1853. En 1854, nouveau régime qui dura deux ans ; c’était un droit fixe de 25 francs par 100 kilogrammes. De 1856 à 1860, autre droit fixe, qui n’est plus que de 10 francs par 100 kilogrammes. Enfin le traité de commerce conclu en 1860 avec l’Angleterre et les traités qui ont suivi ont permis l’entrée en franchise. Cela fait, tout compté, depuis 1820 sept périodes bien distinctes. Or il est facile de voir que les