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CÉSARINE DIETRICH

QUATRIÈME PARTIE[1].


Nous quittâmes enfin Paris le 15 juillet, sans que Césarine eût revu Paul ni Marguerite. Mireval était, par le comfort élégant du château, la beauté des eaux et des ombrages, un lieu de délices, à quelques heures de Paris. M. Dietrich faisait de grands frais pour améliorer l’agriculture : il y dépensait beaucoup plus d’argent qu’il n’en recueillait, et il faisait de bonne grâce et de bonne volonté ces sacrifices pour l’amour de la science et le progrès des habitans. Il était réellement le bienfaiteur du pays, et cependant sans le charme et l’habileté de sa fille il n’eût point été aimé. Son excessive modestie, son désintéressement absolu de toute ambition personnelle, imprimaient k son langage et à ses manières une dignité froide qui pouvait passer aux yeux prévenus pour la raideur de l’orgueil. On l’avait haï d’abord autant par crainte que par jalousie, et puis sa droiture scrupuleuse l’avait fait respecter, son dévoûment aux intérêts communs le faisait maintenant estimer ; mais il manquait d’expansion et n’était point sympathique à la foule. Il ne désirait pas l’être ; ne cherchant aucune récompense, il trouvait la sienne dans le succès de ses efforts pour combattre l’ignorance et le préjugé. C’était vraiment un digne homme, d’un mérite solide et réel. Son manque de popularité en était la meilleure preuve.

Césarine s’affectait pourtant de voir qu’on lui préférait des notabilités médiocres ou intéressées. Elle l’avait beaucoup poussé à la

  1. Voyez la Revue du 15 août, des 1er et 15 septembre.