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seulement dans la personne du roi, mais dans ses lois et son état, l’un n’étant pas possible sans l’autre. » Ce n’est pas autrement qu’on raisonnait à Rome sous Tibère.

A l’occasion des monopoles commerciaux créés alors en Portugal, M. Gomès présente une observation judicieuse : « On est frappé, dit-il, en lisant cet étrange procédé de Pombal, du contraste qu’il offre avec la conduite tenue par la reine Anne d’Angleterre dans une conjoncture semblable. En 1701, cette reine ayant accordé un grand nombre de monopoles, la chambre des communes se réunit pour réclamer. Elle le fit dans un langage fier et menaçant. La reine corrigea l’abus et remercia la chambre des communes de son dévoûment au bien public. Il est grand d’être faible devant la raison. »

Les allures dictatoriales qu’affectionnait Pombal, et qui eurent des effets funestes dans le cas que nous venons de signaler, rendirent les plus utiles services en une circonstance où il fallait agir sans délai et sur une grande échelle, afin de remédier à des maux immenses qui étaient venus soudainement accabler une ville populeuse et florissante. Dans la matinée du 1er novembre 1755, un tremblement de terre, dont le récit émouvant a été lu par tout le monde, bouleversa la ville de Lisbonne et fut suivi d’un autre fléau non moins dévastateur, un incendie épouvantable, qui, né dans les ruines, se communiqua aux quartiers que la commotion avait épargnés. Par l’effet du tremblement de terre, la majeure partie, de la ville fut réduite en sept minutes à un amas de décombres ; 10,000 personnes furent ensevelies. Il fallut tout d’un coup et à la hâte parer à mille maux divers, arrêter l’incendie, enterrer les morts, déterrer les vivans, rassurer une population épouvantée, à commencer par la famille royale, qui voulait fuir à Oporto ; il fallut maintenir l’arrivage des subsistances nécessaires à une capitale et les répartir parmi tant de familles dénuées des moyens de les payer, comprimer les brigands qui, semblables aux oiseaux de proie, apparaissent toujours à la suite des désastres. Pombal pourvut à tout ; il fut incomparable par sa fermeté et sa présence d’esprit. Cette calamité fit sa puissance. Chacun, en de pareils momens, est disposé à s’incliner devant un chef à l’âme fortement trempée et à l’esprit fécond en ressources. Il fut accepté Comme un maître, et l’auréole lui en resta. Par ses soins, la réédification d’une ville plus belle que l’ancienne commença presque aussitôt. Il profita de l’ascendant que lui avait donné la circonstance pour faire sortir du ministère quelques hommes qui n’étaient pas assez soumis à sa volonté et les remplacer par d’autres dont il était ou se croyait sûr.

Il admirait Colbert, qui fut un ministre laborieux, honnête, dévoilé au bien publie, mais très peu libéral. Un des usages que