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est suspendu. Ce n’est là qu’une exception. Les animaux respirent la nuit de la même façon que le jour, mais avec une moindre intensité. Jour et nuit, ils brûlent du charbon dans l’intérieur de leurs tissus et forment de l’acide carbonique. Seulement l’activité du phénomène est bien plus considérable à la lumière que dans l’obscurité.

La lumière accélère chez les animaux le mouvement vital, et en particulier les actes nutritifs. L’obscurité les ralentit. Ce fait, connu et appliqué depuis très longtemps dans la pratique agricole, est expressément signalé par Columelle. Il recommande, si l’on veut engraisser des volailles, de les élever dans des cages étroites et non éclairées. Le laboureur, pour engraisser son bétail, l’enferme dans des étables entourées de fenêtres petites et basses. Dans le clair-obscur de ces prisons, le travail de désassimilation s’opère avec lenteur, et les matières nutritives, au lieu d’être brûlées dans le torrent circulatoire, s’accumulent plus aisément dans les organes. De même pour développer chez les oies d’énormes foies gras, on les plonge dans des caves noires, où elles sont gorgées de maïs et maintenues dans l’immobilité.

Les animaux s’étiolent comme les plantes. L’absence de lumière tantôt les fait dépérir, tantôt les transforme complètement et modifie leur organisation de la façon la moins avantageuse au plein exercice des facultés vitales. Ceux qui vivent dans les cavernes sont comme les plantes qui poussent dans les caves. On trouve dans certains lacs souterrains de la Basse-Carniole des reptiles très bizarres ressemblant aux salamandres, et qu’on appelle des protées. Ils sont presque blancs, et n’ont que des yeux rudimentaires. Lorsqu’on les expose à la lumière, ils paraissent souffrir, et leur peau se colore. Il est très probable que ces êtres n’ont pas toujours vécu dans l’obscurité où ils sont aujourd’hui relégués, et que c’est l’absence prolongée de lumière qui a détruit chez eux la couleur de la peau et anéanti l’organe de la vision. Les êtres ainsi privés du jour sont exposés à toutes les faiblesses et à tous les inconvéniens de la chlorose et de l’appauvrissement du sang. Ils croissent et se bouffissent, comme le champignon blafard, sans connaître le salutaire baiser des effluves lumineuses.

William Edwards, à qui la science doit tant de recherches sur l’action des agens physiques, étudia vers 1820 l’influence que la lumière exerce sur le développement des animaux. Il plaça des œufs de grenouille dans deux vases pleins d’eau, dont l’un était transparent, et dont l’autre était rendu imperméable à la lumière par une enveloppe de papier noir. Les œufs exposés à la lumière se développèrent régulièrement ; ceux du vase obscur ne fournirent que