Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 88.djvu/850

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

espèces végétales qui croissent à de grandes hauteurs sur les montagnes a des couleurs plus vives que celle des espèces qui poussent dans les lieux bas. Les rayons du soleil traversent en effet plus facilement l’atmosphère sereine qui baigne les cimes élevées. La teinte de certaines fleurs varie même suivant l’attitude. La corolle de l’anthyllis vulneraria passe ainsi du blanc au rouge pâle et au pourpre intense. En général, la végétation des endroits découverts et bien éclairés est plus riche en couleur et en dimension que celle des régions peu accessibles au soleil. Un certain nombre de fleurs qui naissent blanches se colorent ensuite par l’action directe de la lumière. Ainsi le cheiranthus cameleo a une fleur d’abord blanchâtre, puis jaune citron, puis rouge violacé. L’hibiscus mutabilis a une fleur qui naît le matin avec une couleur blanche, et qui devient rouge dans la journée. Les boutons floraux de l’agapanthus umbellatus sont blancs lorsqu’ils commencent à s’ouvrir, ils prennent ensuite une teinte bleue. Si on enveloppe la fleur au moment où elle sort de la spathe avec un papier noir interceptant la lumière, cette fleur reste blanche, mais reprend sa couleur au soleil. Les couleurs des fruits se développent également sous l’action bienfaisante du jour. Il en est de même des principes de toute sorte qui communiquent aux diverses parties de la plante le goût et l’odeur.

Fleurs, feuilles et fruits sont donc élaborés avec l’aide des vibrations lumineuses. Il y a des rayons de soleil dans leur tissu. Ces couleurs charmantes, ces doux parfums, ces saveurs exquises et toutes ces innocentes voluptés que nous procure le règne végétal, c’est la lumière qui en est créatrice. L’industrie de ces opérations merveilleuses nous échappe, tout comme celle qui règle les dispersions mobiles et les réfractions multiples auxquelles nous devons les spectacles imposans de l’aurore ; mais n’est-ce rien de concevoir déjà les premières lois, et de posséder une clarté de ces phénomènes grandioses ?


I

La lumière exerce sur les végétaux une action mécanique. Le sommeil des fleurs, l’inflexion des tiges, la nutation des plantes héliotropes, les migrations intra-cellulaires de la chlorophylle, fournissent à cet égard les preuves d’une sensibilité extrêmement délicate dans certaines espèces. Pline parle de cette plante, appelée tournesol, qui regarde toujours le soleil et tourne continuellement avec lui. Il remarque aussi que le lupin suit le soleil dans sa révolution diurne et indique les heures aux laboureurs. Tessier, à la fin du siècle dernier, entreprit l’étude de ces