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du jour fut l’objet dans les civilisations primordiales et les touchantes terreurs qui assaillaient ces peuples enfans, lorsque le soir ils voyaient disparaître lentement à l’horizon le globe empourpré qui recelait pour eux toute puissance et toute splendeur. Ce pieux fétichisme n’était pas seulement un témoignage de gratitude pour les trésors de fécondité que le soleil répand sur la terre, c’était aussi un hommage à la source consolatrice de la clarté et de la joie, c’était le symptôme d’une affinité naturelle entre l’homme et la lumière. Les Védas, les hymnes orphiques et d’autres monumens des premières religions sont pleins de ce sentiment, qu’on retrouve dans beaucoup de poètes et de philosophes de l’antiquité, entre autres dans Lucrèce et dans Pline. Dante, qui invoque si souvent la lumière (la luce divina e penetrante), couronne son poème par un hymne qui est surtout l’apologie symbolique de la suprême clarté. D’autre part, les laboureurs, les jardiniers, les médecins, s’accordent pour attester les bienfaits de la lumière. Les naturalistes et les voyageurs de tous les temps, frappés aussi de la puissance du soleil, en ont signalé les effets de toute sorte. Alexandre de Humboldt, après Lavoisier et Goethe, en remarque souvent les influences diverses. Un aussi fertile objet d’études ne commença cependant qu’au milieu du XVIIIe siècle à provoquer des recherches expérimentales sérieuses, et telle est la difficulté de ce vaste et complexe problème que, malgré une longue série d’efforts, la solution n’en est encore que partiellement trouvée. De grandes lacunes restent à combler, et beaucoup d’inconnues à dégager ; on n’a même pas encore tenté de coordonner l’ensemble des résultats obtenus. C’est cette dernière tâche que nous voudrions remplir ici, afin de montrer dans un exemple remarquable comment s’opère l’évolution du savoir par la vertu de la méthode expérimentale, comment les expériences bien faites se suivent, se superposent, se soutiennent les unes les autres et sont éternellement instructives, enfin comment les hommes éminens procèdent dans le grand art d’interroger la nature vivante.


I

Les plantes se nourrissent en absorbant par leurs racines certaines substances du sol et en décomposant, au moyen de leurs parties vertes, un gaz particulier contenu dans l’atmosphère, le gaz acide carbonique. Elles décomposent ce gaz en carbone, qu’elles s’assimilent, et en oxygène, qu’elles rejettent. Or ce phénomène, qui est le mode même de la respiration des végétaux, ne peut s’accomplir qu’avec la collaboration de la lumière solaire.

Charles Bonnet, de Genève, qui avait commencé sa carrière par