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sont succédé en Angleterre depuis 1760 jusqu’en 1830, morceaux excellens, qui forment le pendant du savant ouvrage de M. Erskine May sur l’histoire parlementaire de l’Angleterre. Il rencontre dans cette période si agitée toutes les questions de politique générale ou intérieure, d’administration, de finances, — tous les débats qui ont fixé la constitution anglaise et en même temps les intrigues qui sont l’envers du gouvernement parlementaire et où se révèle le plus clairement le caractère des hommes d’état. Ses lettres nous montrent ce que suppose de recherches chacune de ses assertions, ce qu’il apporte de scrupule dans l’examen de chaque détail. Lorsqu’il arrive, par exemple, au dénoûment de la lutte de l’Angleterre contre Napoléon, il ne s’abandonne pas tout d’abord au plaisir de célébrer le triomphe de son pays ; il cherche quelle est exactement la part qui lui revient dans la victoire, il pèse, il interroge : « il voudrait bien savoir, dit-il, ce que M. Guizot, lord Aberdeen, un Allemand sincère et bien informé, pensent de l’influence de la guerre d’Espagne sur les événemens de 1814. » Je ne sache pas que M. Guizot se soit nulle part expliqué sur ce point spécial, et, quant à un Allemand sans préjugé lorsqu’il est question de la France et de Napoléon, c’est un phénomène à peu près introuvable ; mais Lewis échange avec lord Aberdeen, si activement mêlé aux événemens de l’époque, plusieurs lettres, et c’est après une longue enquête qu’il arrive enfin à ces conclusions fort désintéressées, d’abord que la guerre d’Espagne, quoique en fin de compte justifiée par le succès, n’en était pas moins d’une politique hasardeuse, ensuite que le patriotisme anglais, trop prompt à prendre au pied de la lettre les affirmations suspectes de Napoléon, exagère en général la part de l’Angleterre dans la catastrophe de 1814.

Lewis, directeur de la Revue d’Edimbourg, se sentait parfaitement à sa place. Il n’aurait pas songé de longtemps à rentrer dans la vie politique, si la mort de son père, sir Frankland Lewis, n’avait laissé vacant un siège qui lui revenait naturellement. Les bourgs de Radnor étaient un patrimoine électoral qui ne devait point tomber en déshérence. Lewis, devenu sir George, fut élu sans difficulté. C’était en février 1855. Lord Palmerston venait de succéder à lord Aberdeen comme premier ministre. Il offrit à sir George la place de chancelier de l’échiquier. Lewis, transporté si vite du pacifique gouvernement d’une revue sur la scène politique, en pleine lumière et en plein tumulte, éprouve un peu d’étourdissement. « Je n’avais pas eu, écrit-il quelques semaines après, un seul jour à donner à mes propres affaires depuis la mort de mon père. Je n’avais pas même eu le temps de faire enregistrer son testament. Je préparais mon numéro d’avril, et je corrigeais la dernière partie de mon Histoire