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CÉSARINE DIETRICH

PREMIÈRE PARTIE.


J’avais trente-cinq ans, Césarine Dietrich en avait quinze et venait de perdre sa mère, quand je me résignai à devenir son institutrice et sa gouvernante.

Comme ce n’est pas mon histoire que je compte raconter ici, je ne m’arrêterai pas sur les répugnances que j’eus à vaincre pour entrer, moi fille noble et destinée à une existence aisée, chez une famille de bourgeois enrichis dans les affaires. Quelques mots suffiront pour dire ma situation et le motif qui me détermina bientôt à sacrifier ma liberté.

Fille du comte de Nermont et restée orpheline avec ma jeune sœur, je fus dépouillée par un prétendu ami de mon père qui s’était chargé de placer avantageusement notre capital, et qui le fit frauduleusement disparaître. Nous étions ruinées ; il nous restait à peine le nécessaire, je m’en contentai. J’étais laide, et personne ne m’avait aimée. Je ne devais pas songer au mariage ; mais ma sœur était jolie ; elle fut recherchée et épousée par le docteur Gilbert, médecin estimé, dont elle eut un fils, mon filleul bien-aimé, qui fut nommé Paul ; je m’appelle Pauline.

Mon beau-frère et ma pauvre sœur moururent jeunes à quelques années d’intervalle, laissant bien peu de ressources au cher enfant, alors au collège. Je vis que tout serait absorbé par les frais de son éducation, et que ses premiers pas dans la vie sociale seraient entravés par la misère ; c’est alors que je pris le parti d’augmenter mes faibles ressources par le travail rétribué. Dans une vie de céli-