Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 88.djvu/714

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

réponse a une question faite par un honorable membre, M. Brenier, on a dit, — et l’orateur qui s’est exprimé ainsi n’est rien moins que M. le ministre de la guerre par intérim, — que faire semblable question tendait à diminuer la confiance de l’armée. L’honorable général Dejean nous permettra-t-il de lui dire que le moral de l’armée est fort au-dessus des observations qui pouvaient s’échanger dans une telle discussion ? Cette vaillante jeunesse, bouillante d’ardeur, n’a qu’une idée en ce moment, celle de combattre, d’affermir au prix de son sang le rang de la France et sa dignité, engagés dans les hasards des combats. Elle laisse à d’autres le souci de penser aux soins qu’elle mérite. Ce sont les familles, infiniment plus que les soldats, qui se préoccupent de la nécessité d’entourer l’armée de toute sollicitude, pour qu’il ne lui manque rien de ce qu’on peut raisonnablement faire pour elle, et pour que rien ne soit épargné de ce qui est propre à sauver ses blessés et ses malades, et encore mieux à prévenir les maladies. Plus que les familles, c’est le pays tout entier que le gouvernement est tenu de rassurer par une déclaration qui n’a rien de pénible ni de compromettant, si, comme il y a lieu de le croire, il s’est entouré de toutes les précautions réclamées par la circonstance. Il ne s’agit pas de divulguer un secret d’état et d’ébruiter le plan adopté pour la campagne. Il s’agit de donner une satisfaction légitime à des sentimens sacrés, l’amour des parens pour leurs enfans, l’attachement et la reconnaissance du pays pour ces hommes intrépides qui vont présenter leur poitrine aux balles et aux boulets de l’étranger. Les familles et le pays s’estimeront heureux de savoir que les leçons de l’expérience, qui avaient été perdues après 1856, ne le seront point cette fois, et qu’on a pris en grande considération tout ce qu’ont fait de bon au profit de leurs soldats les Anglais en Crimée pendant la dernière année de la guerre, les Américains pendant les quatre années qu’a duré la lutte de la sécession, ce qu’ont recommandé nos propres médecins avec tant d’insistance, ce qui a été conseillé après mûre réflexion dans des livres spéciaux et dans des rapports des propres agens du gouvernement, par M. l’intendant Roussillon entre autres.

La forme de gouvernement que nous avons depuis le plébiscite du 8 mai a pour caractères essentiels le contrôle et la publicité, et les dépositaires du pouvoir n’ont pas lieu de s’en plaindre, car par le contrôle et la publicité ils partagent la responsabilité des événemens avec la masse de la nation, au lieu d’en garder pour eux tout le poids. Sous le régime constitutionnel, la confiance aveugle n’existe plus ; il y a la confiance raisonnée, qui veut qu’on la renseigne, et qui se trouble, si on se refuse à lui rendre des comptes. Que pour la