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force des états. C’est par là que l’industrie marche à pas de géant, changeant ses procédés, améliorant ses produits et en offrant sans cesse de nouveaux. Les mêmes sciences ont pour l’art de la guerre les mêmes effets que pour ceux de la paix. De là des inventions essentiellement militaires dont plusieurs sont connues du vulgaire : telles les torpilles qu’on enfonce dans la mer à l’approche des ports ou des plages de débarquement, comme une barrière qui doit faire reculer d’effroi les navires de guerre ennemis ; tels les appareils électriques qui, d’une distance indéfinie, apportent instantanément l’étincelle d’explosion soit à ces torpilles, soit à des amas de poudre cachés sous un bastion exposé à être pris par l’ennemi. C’est ainsi que le bastion Malakof à Sébastopol était miné, que la mine renfermait l’épouvantable quantité de 60,000 à 80,000 kilogrammes de poudre, auxquels un fil électrique partant de l’état-major russe devait mettre le feu. Un hasard providentiel, aidé par la patriotique inquiétude de nos officiers, fit trancher le fil pendant qu’il en était encore temps. Quelques instans plus tard, les héroïques régimens accumulés dans le bastion et tout autour sautaient en l’air, et peut-être à la suite de cette catastrophe la destinée de la guerre était retournée.

Outre les inventions meurtrières qui sont divulguées et tombées dans le domaine public, il est vraisemblable qu’il en est d’autres qui se dévoileront pendant la guerre par des coups imprévus. Les parties belligérantes ont chacune les leurs, on n’en saurait guère douter. Je n’ai rien à en dire, n’ayant aucun moyen de percer le mystère qui les entoure, surtout pour celles de la Prusse ; quant à celles de la France, si je les connaissais, mon devoir serait de les taire. Je présenterai seulement ici à cette occasion quelques observations latérales au sujet. Tout ce que peut avoir la Prusse en ce genre a été mieux tenu dans l’ombre du mystère ; chez nous, par le désir de parler à tout prix, ou pour caresser la vanité nationale, on a étourdiment ébruité tant qu’on l’a pu diverses tentatives qui avaient eu lieu dans nos arsenaux, et dont, même en temps de paix, il était indiscret de parler. Il est difficile de croire que les renseignemens donnés à cet égard par les journaux ne vinssent pas de quelqu’un des agens auxquels ces essais avaient été confiés ou par les mains desquels avaient passé les rapports. Il est clair cependant que de telles choses sont de celles qu’on garde pour soi. Les livrer à la publicité, c’est en faire perdre l’avantage à son pays. On ne s’explique pas que l’autorité du ministre de la guerre et du ministre de la marine ne se soit pas interposée pour empêcher ces communications et couper court à cette loquacité imprudente.

A côté des progrès que la science a fait faire à l’art de détruire