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Le chant qui emploie cette expression vante aussi la « danse des Magyars » en faisant probablement allusion à la danse des hussards, qui plaît tant à ses compatriotes. Les fils de la belliqueuse Albanie ont une danse militaire admirablement décrite par Byron, et qui semble être la pyrrhique des anciens Illyriens (Proto-Albanais). La danse des hussards ne m’a pas semblé avoir moins de caractère, et les recruteurs, n’en ignorant pas l’effet sur l’imagination populaire, ont toujours cru que ce spectacle était le meilleur moyen de combler les vides des régimens, de triompher de la lutte que l’amour de l’indépendance livre à l’instinct guerrier. Cependant plus d’un jeune Magyar reste insensible à ces puissantes séductions. « Les enrôleurs dansent, chantent, se concertent.. — Je ne me fais point soldat ! — Celui auquel sur la terre une amante sourit — serait fou de se faire soldat. — Ils me trompent avec la splendeur de l’épée, ― que le diable emporte le tout ! — Plein de vie resplendit l’œil de ma bien-aimée. — A côté, l’éclat du glaive est la nuit. » Plus souvent l’instinct guerrier l’emporte. « Ils enrôlent déjà chez nous,… ― je me fais soldat, — parce que je ne crains point la mort. » Les mères ne se montrent pas plus épouvantées des terribles perspectives de la guerre. « Toute mère donne son fils, afin qu’il défende son roi et sa patrie. » Si elles hésitent, le jeune soldat leur rappelle avec une mâle énergie que « Dieu s’est complu dans l’œuvre de son fils, quand il a racheté le monde par son sang. » Aux yeux de ce peuple patriote, celui qui meurt pour la liberté du pays s’associe au sacrifice du libérateur suprême, — grande idée noblement exprimée. Ces théologiens des steppes en valent bien d’autres, et l’on comprend que plus d’une fois dans ce pays le prêtre ait lutté à côté de l’homme de guerre pour l’indépendance de la patrie.


IV

Nous arrivons à un sujet qui occupe une grande place dans la poésie magyare, le caractère des femmes et l’inconstance que les poètes du sexe masculin sont partout disposés à leur reprocher. Quand la poésie magyare parle des femmes, il n’est pas toujours aisé de faire la part de la réalité et de l’idéal. Toutes les fois qu’elle compare le peuple hongrois avec les autres peuples, elle professe franchement un complet optimisme. « La nation magyare, dit un petit poème, est superbe : elle l’emporte sur beaucoup d’autres. — C’est ce qui a toujours été vrai, et le sera toujours. — Si tu cherches une belle nation, celle-là l’est assez ! » On prévoit que le poète ne sera pas moins bienveillant pour le beau sexe que pour le sien, et qu’il trouvera les Magyares les plus charmantes personnes du monde,