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La plus ancienne histoire de la Perse nous montre dans l’Asie occidentale la lutte de deux élémens acharnés à se détruire, l’Iran et le Touran. En effet, notre race aryenne, née dans la vallée de l’Oxus, s’est trouvée dès les premiers jours en contact avec les nomades de la race finno-mongole. La lutte se transporta en Europe lorsque le « fléau de Dieu » rassembla sous l’étendard du turul les pasteurs asiatiques qui voulaient rendre à l’Europe sa beauté primitive. Vaincue à Châlons par l’union des Latins et des Francs, l’invasion, voyant l’impossibilité de conquérir les pays de l’Occident, concentra ses forces sur l’Europe orientale. En parlant des Bulgares[1], j’ai montré une branche finnoise s’implantant au sud du Danube, où elle a perdu en partie son type originel. Un autre rameau de l’arbre finno-mongol, les Turcs ottomans, a pris racine à Constantinople. Au-delà de l’antique Ister, la race âryenne a dû également céder à ses vieux adversaires plus d’un vaste territoire, tout en les obligeant, comme dans la péninsule orientale, à subir profondément son influence.

Quand elle fut devenue un pays magyar, la Pannonie vit se développer sur son sol une poésie populaire originale. Cette poésie se partage en poésie ancienne, en poésie du moyen âge et en poésie moderne. On serait d’abord tenté de croire, quand on sait avec quelle ardeur les religions victorieuses font la guerre aux souvenirs du passé, que la première a complètement disparu, et de fait on en était convaincu à une époque où peu de gens comprenaient l’importance historique et l’intérêt philosophique autant que littéraire de ce genre de questions ; mais depuis qu’on s’en occupe partout, les savans du royaume de saint Etienne n’ont pas eu-de peine à prouver que, si la poésie de l’époque païenne avait péri dans sa forme primitive, les chroniqueurs en avaient conservé la substance. Il suffit de citer les travaux de l’historien de la poésie magyare, M. François Toldy.

Le premier cycle de la poésie ancienne peut être nommé cycle bunnique, et Turoci l’a exposé complètement dans la première partie de sa Chronique des Hongrois. Etele (Attila) en est naturellement le centre ; mais l’imagination populaire a créé au conquérant de la Pannonie des ancêtres, des parens et aussi des héritiers. Le cycle hunnique rattache les anciens dominateurs de la Pannonie à ses derniers maîtres. Grâce à ses fécondes inventions, les Galates, premiers habitans du sol, fondateurs de Sicambria, future capitale d’Etele, les Huns et les Magyars sont des peuples frères, dont l’Éternel se sert pour poursuivre une seule et même œuvre. Les Magyars, refusant d’accepter les idées qu’on se fait ordinairement d’Attila,

  1. Voyez la Revue du 15 juillet 1868.