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Marbode employa tous les moyens ; il semble même confesser dans une de ses lettres qu’il ne distingua pas toujours scrupuleusement, aveuglé par son zèle, les moyens honnêtes et les déshonnêtes. Cependant le doyen Etienne, déjà contraint de renoncer à quelques-uns de ses argumens, reproduisait toujours avec avantage celui-ci : une élection faite sans les clercs, contre les clercs, est inique. « Que cette iniquité, dit Marbode, retombe sur moi ! » Et Raoul, n’osant pas sans doute condamner Marbode, confirma Rainaud. Ainsi l’espérance de Geoffroy fut trompée. La confirmation de Rainaud ayant été prononcée par le métropolitain, il n’y avait plus à combattre soit à Rome, soit ailleurs. Si du reste Rainaud confirmé n’était pas encore tout à fait évêque, il pouvait user déjà, contre ses ennemis d’une arme redoutable, il pouvait les excommunier ; ce qui devait leur causer de l’inquiétude et leur conseiller la modération.

Raoul invita les onze évêques de sa province à venir avec lui consacrer Rainaud. La cérémonie devait, disait-il, avoir lieu dans la ville de Tours le 12 janvier 1102. Raoul, en indiquant ce jour, manquait aux anciens usages : anciennement on ordonnait les évêques le dimanche de Pâques, et seulement ce jour-là[1] ; mais Raoul l’ignorait sans doute. Combien d’autres règles étaient déjà pareillement oubliées ! Hildebert répond à son métropolitain qu’il ne se rendra pas au lieu désigné. La violence ayant, selon lui, joué dans l’élection le premier rôle, il ne veut pas prêter son ministère à la consécration[2]. En même temps il écrit à Rainaud pour le prier de refuser l’onction épiscopale. Qu’il ne s’abuse pas sur la valeur du jugement rendu à son profit : Dieu jugera même les juges[3]. Les prières d’Hildebert n’eurent pas plus d’effet que ses remontrances. La consécration de Rainaud fut célébrée dans la ville de Tours au jour marqué. Geoffroy de Vendôme, rappelant qu’Hildebert n’y voulut pas assister, ne signale l’absence d’aucun autre des évêques appelés par Raoul. Il est probable qu’ils ne vinrent pas tous : pour consacrer un élu, l’assistance de trois évêques suffisait, s’ils étaient de sa province. On doit croire toutefois que, parmi les onze suffragans de l’archevêque de Tours, six au moins déclarèrent par lettres approuver la consécration de Rainaud, car cette adhésion du plus grand nombre était expressément exigée[4]. La cérémonie de la consécration achevée, Rainaud s’éloigna pour aller faire son entrée solennelle dans sa ville épiscopale ; ce qui lui

  1. Leonis papœ Epistol. 87, ad episc. Vienn. provinciæ.
  2. Hildeberti Epistol., lib. II, epist. 4.
  3. Ibid., epist. 6.
  4. Augustini, Tarrac, episc., Juris pontif. vet. Epitome, part. I, lib. IV, tit. 17, c. 1, 2, 3. — Fulberti Epistolœ, dans la Biblioth. des Pères, édit. de Lyon, t. XVIII, p. 19.