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Geoffroy de venir combattre avec lui leurs communs adversaires. Geoffroy lui répondit avec sa fougue habituelle :


« Si vous recherchez ceux qui sont au Seigneur pour les joindre à vous, me voici, je suis prêt. Nous sommes les fils d’Abraham, et nous désirons agir à son exemple : au jour qui sera marqué par le Seigneur, nous serons au lieu du combat… Mais il faut que ce lieu soit sûr et commode. Nous ne pouvons pas et ne devons pas choisir la ville de Tours ; je vous engage vivement à ne pas aller à Tours. Là seront en effet rassemblés tous les fauteurs de Rainaud, des furieux plus disposés à vous combattre par la sédition qu’à raisonner avec vous. Celui qui vous a convoqué dans cette ville espère sans doute soit y dompter plus facilement votre justice intimidée par les clameurs de la multitude, soit vous amener par des prières, par des offres d’argent, à devenir complice (non, vous ne le serez pas !) de sa folle entreprise. Vous avez bien commencé, puisque vous vous êtes vaillamment levé pour la liberté de la sainte église contre ses ennemis. Ainsi vous vous êtes rendu plus cher à Dieu, aux amis de Dieu ; ainsi vous avez au loin répandu le renom de votre personne. Ce sera pour vous une grande gloire, si vous persévérez ; si vous faiblissez, une grande honte. Adieu. Soyez fermement persuadé que nous serons avec vous contre Rainaud et ses patrons. Veuillez me faire l’honneur de venir samedi jusqu’à Château-du-Loir ou jusqu’à La Chartre pour que nous puissions nous y rencontrer et causer ensemble de cette affaire et d’autres encore[1]. »


On ignore si l’évêque du Mans et l’abbé de Vendôme se rencontrèrent au jour indiqué dans cette lettre, mais on sait qu’ils ne se rendirent à Tours.ni l’un ni l’autre. Aucune séduction, aucune menace ne triompha d’Hildebert ; il persévéra dans son opinion, mais il n’alla pas la défendre dans les conseils de son métropolitain. Espérant sans doute qu’une affaire aussi grave serait, après de vains débats, finalement soumise à l’examen de la cour romaine, Geoffroy devait se promettre de conduire, son ami devant le pape. Autant qu’il nous est permis d’interpréter sa lettre, Rome était le lieu qu’il avait choisi pour y livrer le grand combat.

Raoul n’hésitait guère avant d’agir, étant de ces hommes hardis qui ne veulent pas voir les obstacles. Toutefois, quoique favorable à Rainaud, il ne se décidait pas à ratifier son élection, et, presque vaincu par les objections d’Etienne, il allait en effet, pour mettre sa conscience hors d’alarmes, envoyer à la cour de Rome toutes les pièces du procès, quand Marbode, échappé de sa prison, arriva subitement à Tours et plaida vivement la cause de Rainaud. Il fallait pour la gagner faire beaucoup d’efforts, de démarches, de prières :

  1. Geoffridi Epistol., lib. III, epist. 13.