Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 88.djvu/558

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

présens, par des promesses, par des menaces, concilié les suffrages des plus remuans parmi les bourgeois et des plus influens parmi les évêques au candidat le moins agréé parmi les clercs. Dans ces cas, on parlait à la fois d’oppression et de corruption, et, l’élu devenant suspect d’avoir acheté la faveur des puissances séculières, on l’accusait lui-même de simonie.

Comme on le verra, cette accusation sera portée contre Rainaud. Sa candidature était violemment combattue ; non-seulement il avait de grands biens personnels, mais il aspirait encore à la possession d’un temporel très riche, et d’ailleurs le titre d’évêque, s’il l’obtenait, devait mettre à sa disposition une abondante diversité d’emplois fructueux. En de telles circonstances, on ne résiste guère à corrompre les gens qui ne demandent qu’à être corrompus. Si toutefois les adversaires de Rainaud se sont trouvés plus tard empêchés de fournir contre lui des preuves certaines sur le chef de la simonie, ils ont pu du moins lui reprocher à bon droit d’avoir eu des amis trop nombreux et trop zélés parmi les laïques.

Les plus ardens de ses ennemis étaient les chanoines de Saint-Maurice. Le chapitre cathédral de Saint-Maurice se composait alors de quarante chanoines, tous bien rentés, tous influens. À leur tête était le doyen Étienne, qu’on peut appeler sans emphase le porte-enseigne de la faction qui repoussait Rainaud, — homme violent et changeant, capable de tout oser au profit de la cause qu’il devait déserter le premier dès qu’elle serait vaincue. Les autres chefs de la même faction étaient dans le chapitre le préchantre Hubert et les archidiacres Guillaume et Garnier. Si quelques-uns de leurs collègues les blâmaient et ne les suivaient pas, l’appui qu’ils prêtaient à l’autre parti devait être timide, car il n’était pas bruyant.

S’étant donné la mission d’organiser la lutte et la victoire, les dignitaires du chapitre avaient résolu de réunir leurs principaux confédérés et d’avoir avec eux un colloque dans la ville d’Angers le 30 juin. Dans ce dessein, ils expédièrent de tous côtés des gens chargés de porter leurs lettres de convocation. Ils en envoyèrent même hors de la province à d’illustres personnes qui ne devaient pas participer au vote, mais dont ils réclamaient néanmoins l’assistance. Ainsi l’on a conservé la lettre par eux adressée dans cette occasion à Geoffroy ; abbé de Vendôme.

« À leur très affectionné père et très cher ami Geoffroy, vénérable abbé de Vendôme, Étienne doyen, Hubert chantre et Garnier archidiacre, salut et prières. Nous supplions votre paternité de venir porter secours à l’église d’Angers, comme père éloquent, comme catholique, comme fils de l’église romaine ; hâtez-vous de venir nous donner et vos