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nouveau monument, et qui est circonscrit par la caserne et le tribunal de commerce ; qu’à des sacrifices déjà bien onéreux on en ajoute encore un, qu’on se garde bien de dresser là quelque autre édifice, que cet emplacement soit laissé libre, et puisque dans cet immense caravanséraï, où chaque lit reviendra à 52,000 francs, les pauvres malades n’auront ni jardins, ni promenades, ni préaux ombragés, qu’ils n’aient pas du moins sous les yeux les tristes murs des maisons mitoyennes ; enfin qu’ils puissent respirer un peu d’air.

Quand l’Hôtel-Dieu sera ouvert, notre système hospitalier sera-t-il complet et en rapport avec les besoins d’une population toujours croissante[1] ? Non ; l’assistance publique le sait bien, et elle n’ignore aucune des nécessités qui viendront l’assaillir. Elle y fera face de son mieux, et dès aujourd’hui elle a décidé en principe l’érection d’un nouvel hôpital sur l’ancienne commune de Ménilmontant, afin de dégager un peu les services démesurément chargés de Saint-Antoine et de Lariboisière ; les terrains sont achetés, mais la bâtisse, l’outillage, le mobilier, sont, pour 600 lits, estimés en moyenne à 9 millions, et l’on n’ose passer outre. De plus, entre Necker, situé sur Vaugirard, et Beaujon, placé au sommet du faubourg Saint-Honoré, il y a un énorme quart de cercle qui n’a aucune maison hospitalière, qui est occupé par une classe de gens pauvres et laborieux. Là, aux confins des fortifications, il y a de vastes terrains ; on y a déjà établi l’asile Chardon-Lagache, les Petits-Ménages et Sainte-Périne. Ne pourrait-on utiliser les fondations abandonnées aujourd’hui d’un grand palais qui devait servir à une exposition permanente de l’industrie ? Nul emplacement ne serait plus propice, à côté de la Seine, près du hameau Boileau, desservi par des routes nombreuses, par le chemin de fer de ceinture, par les bateaux-mouches qui volent sur la rivière. Si du moins ces deux hôpitaux pouvaient être promptement construits, ils rendraient un immense service à la population parisienne ; mais ce ne serait pas tout encore, car nous ne posséderions pas une maison exclusivement réservée, comme le Small-pox Hospital de Londres, au traitement de la variole, qui vient de nous prouver qu’il fallait toujours compter sérieusement avec elle. Pour un tel asile ouvert à l’épidémie, je conseillerais le voisinage de la Seine

  1. L’inauguration du nouvel Hôtel-Dieu n’entraînera pas, j’en suis persuadé, la destruction totale de l’ancien. Les besoins sont si urgens et si incessamment renouvelés que je serais fort surpris qu’on ne conservât pas longtemps encore les bâtimens du quai Montebello. Il se passera un fait analogue à celui qui s’est produit pour la grande maison des Incurables-femmes, située rue de Sèvres ; on devait la démolir, et l’on a été trop heureux de l’avoir pour en faire une annexe à la Charité. Cette destination n’étant que provisoire, il est probable que nous n’en verrons pas la fin.