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opérés. Cet essai paraît n’avoir pas été heureux. Les baraques, construites en planches trop légères, étaient brûlantes en été, glaciales en hiver, et l’on a dû les abandonner en attendant qu’on les ait améliorées. Cela est fâcheux, car l’isolement et le calme sont toujours bienfaisans pour l’homme qui vient de subir une opération grave. Peut-être pourrait-on facilement remédier aux inconvéniens signalés. Toute baraque bien faite, à moins qu’elle ne soit affectée à une destination essentiellement provisoire, doit être double et présenter exactement l’image de deux maisons qu’on aurait fait entrer l’une dans l’autre. L’intervalle qui sépare les deux murailles est comblé avec de la paille, avec du foin et mieux encore avec de la sciure de bois. De cette façon, on est parfaitement garanti contre les excès de la température. La tentative faite à Cochin a donné des résultats irréprochables. Dans un grand terrain vague appartenant à l’hôpital et tout plein de folles herbes, on a dressé des tentes de dimensions différentes, dont la plus grande contenait 18 lits. C’est presque le système du plein air appliqué aux opérations, et jusqu’à présent il a assez bien réussi pour qu’on ait décidé en principe de le généraliser et de l’établir à Necker, à Saint-Antoine et dans les autres hôpitaux où l’on trouvera un emplacement convenable.

L’emplacement, voilà en effet la grande, l’incessante difficulté contre laquelle on se heurte lorsqu’on veut construire quelque chose dans cet immense Paris, où chaque parcelle de terrain vaut son pesant d’or. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à regarder le nouvel Hôtel-Dieu qu’en ce moment même on termine dans la Cité, et qui pourra sans doute être inauguré en 1872. Comme la place manquait en largeur, on l’a prise en hauteur ; l’élévation tient lieu de superficie. Les étages sont tassés les uns sur les autres, et l’on est effrayé en pensant à la quantité de malades qu’on pourra engouffrer dans cette vaste caserne, qui à l’heure qu’il est coûte déjà 37,900,000 fr. Il est vraiment bien difficile de comprendre qu’à notre époque, après l’expérience acquise, malgré les théories formulées par la science, on ait pu penser à bâtir un hôpital dans un endroit assez resserré pour ne comporter ni promenades, ni jardins, ni préaux convenables, et dans un milieu tel qu’il se trouve avoisiné, sinon dominé, par Notre-Dame, la caserne des gardes de Paris, le tribunal de commerce et le Palais de Justice. L’architecte, on peut en convenir, a tiré bon parti des 21,000 mètres superficiels qu’on lui a livrés ; il a sagement divisé la construction intérieure, il a partout appliqué autant que possible le système de l’isolement, les salles les plus vastes ne peuvent contenir que 26 lits ; il a multiplié les chambres à 4, à 2 lits, ménagé des dégagemens, tenu compte de toutes les exigences, il a été au-devant des inconvéniens supposés. S’il imagine une façade à la fois simple et grandiose indispensable à un établissement de cette