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agrandissemens successifs et des adjonctions est déplorable. Le corps principal s’étend sur le parvis Notre-Dame ; pour le faire communiquer avec le bureau central, on a creusé un tunnel qui passe sous la place, et pour le mettre en rapport avec le corps de logis situé sur le quai de Montebello, on a construit le pont Saint-Charles, pont couvert en bois qu’une allumette mettrait en feu. Or ces deux couloirs, formés par le pont et par le tunnel, dégagent un courant d’air permanent tellement insupportable, qu’on est forcé d’y tenir constamment allumé, en toute saison, un calorifère dont les tuyaux, serpentant le long des murailles, donnent un peu de chaleur à cette glaciale atmosphère. De plus, pour se rendre du bureau d’admission aux bâtimens assis de l’autre côté de l’eau, à la salle d’accouchemens par exemple, il faut gravir cent soixante-quatorze marches. Quelques salles, malgré des dimensions considérables, sont trop peuplées. Celle de Sainte-Marthe, qui a pris la place de la salle du Légat, détruite en 1772, et que le cardinal Duprat avait fait élever dans le XVIe siècle, a trois rangées de lits ; avant l’incendie, elle renfermait 100 couchettes, aujourd’hui elle en contient encore 88. — Les salles du nouvel Hôtel-Dieu, que l’on termine en ce moment, n’auront au maximum que 26 lits ; c’est assez dire que, sans les nécessités imposées par la disposition même du bâtiment, cette salle serait divisée en quatre, et n’offrirait point un encombrement qui est aussi contraire à la régularité du service qu’à la prompte guérison des malades. A mon avis, l’idéal de la salle hospitalière se trouve à Saint-Antoine, au rez-de-chaussée : un seul rang de lits placés en face d’immenses croisées qui laissent entrer l’air et le soleil ; le malade respire à l’aise, il est dans une solitude relative, il jouit de l’aspect du ciel et des grands arbres, qui semblent lui promettre la santé.

Toutes les salles, qui, pour la majeure partie, sont parquetées en point de Hongrie, sont tenues avec une propreté merveilleuse. Cela est indispensable dans de pareils endroits ; mais on ne reste pas moins frappé d’un certain étonnement à la vue des rideaux éblouissans de blancheur, des vitres transparentes, des boiseries lavées, des parquets cirés à outrance. Au fond de toute salle d’hôpital desservi par une communauté religieuse s’élève une sorte d’autel portant généralement une statue de la Vierge enguirlandée de fleurs et placée entre deux chandeliers : ce sont les sœurs qui s’amusent à faire de petites chapelles comme les enfans au jour de la Fête-Dieu. En feuilletant le registre des délibérations du conseil général des hospices, on pourrait se convaincre que plusieurs fois et avec insistance les protestans ont demandé que ces emblèmes « des superstitions du papisme » fussent enlevés, parce que de telles