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un vestiaire spécial ou empaquetés isolément dans des serpillières ; ils sont étiquetés après avoir été secoués, lavés, savonnés, soufrés, désinfectés de tout genre de contagion. Le costume réglementaire est fort simple : une capote en drap bleu et le classique bonnet de coton ; les femmes ont un jupon, une casaque de molleton, et portent une coiffe de cotonnade blanche ornée d’une petite garniture plissée. C’est là certes une bien modeste coiffure ; mais, lorsqu’elles se savent ou se croient jolies, elles trouvent moyen, surtout à Lourcine, de donner à cette espèce de cornette toutes les formes imaginables, dont quelques-unes sont vraiment charmantes.

Au montant de chaque lit est fixé un cadre in-octavo dans lequel on glisse une feuille formulée qui est le bulletin particulier du malade. D’un coup d’œil, on y voit son nom, son état civil, la date de l’entrée, s’il a été vacciné et revacciné avec ou sans succès, le nom, l’état, le siège, les variétés, la date de la maladie ; plus tard, et selon les circonstances, on inscrira sur ce même bulletin la date de la guérison ou de la mort, s’il y a eu autopsie, et les observations particulières qu’on aura trouvé intéressant de recueillir. Ces feuilles, signées par le chef de service, sont précieusement gardées, et servent à dresser une statistique très curieuse où l’on pourrait retrouver jour par jour la constatation de la situation sanitaire de Paris. On dit que certains médecins, fatigués d’avoir à remplir ces méticuleuses formalités administratives et n’en comprenant pas toute l’importance scientifique, s’amusaient à donner des diagnostics erronés ; on dit que d’autres, cherchant à diminuer le nécrologe de leurs salles, se hâtaient de renvoyer les malades désespérés, afin que, mourant chez eux, ils ne figurassent point sur les états particuliers de leur service. Ce sont là des médisances puériles auxquelles le Parisien se livre volontiers, mais dont il faut se contenter de sourire.

Les dispositions prises pour soigner les malades ont été imposées par un règlement général, et sont analogues dans tous les hôpitaux : c’est la même literie, ce sont les mêmes vêtemens, les mêmes ustensiles ; mais par malheur ce ne sont pas partout les mêmes salles. Forcée de tirer parti des bâtimens souvent bien vieux, presque toujours mal distribués, qu’on mettait à sa disposition, l’assistance publique n’a pu encore donner à toutes ses infirmeries toute l’ampleur désirable. Si les salles de Lariboisière sont vastes, aérées, éclairées par de larges fenêtres, quelques salles de l’Hôtel-Dieu, de la Pitié, de la Charité, sont trop étroites, ouvertes sous les combles, trop chaudes en été, trop froides en hiver, mal disposées pour le service, sans dégagemens, et juchées en haut d’escaliers plus raides que l’échelle de Jacob. A l’Hôtel-Dieu, qui heureusement est condamné à disparaître, on peut voir combien le système des