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qui peut se faire par le changement des premiers ministres, et en créant Mazarin pour Richelieu Urbain préserva la monarchie de ce danger.

Le second portrait, œuvre de Carlo Maratta, est celui d’un des trois neveux du pape, Marc-Antoine Barberini. Marc-Antoine est un jeune homme à l’œil ouvert et franc avec un nez légèrement bossu et allant quelque peu de travers, ce qui lui donne un petit air entreprenant fort seigneurial. Marc-Antoine fut en effet le plus turbulent des Barberini ; aussi dut-il le premier songer à s’enfuir, lorsque la terrible donna Olympia souleva les colères du pape Pamphily contre les neveux d’Urbain. Celui qui étudie l’histoire en psychologue curieux du jeu des forces sociales peut observer chez les Barberini deux faits d’ordre contradictoire en apparence, mais qui se concilient souvent dans la réalité : leurs intérêts et leur politique sont de l’âge nouveau, leurs ambitions et leurs désirs de grandeur sont de l’âge passé. D’une part, ils représentent la lutte des nouvelles familles contre les anciennes, témoin la dureté avec laquelle ils traitèrent le dernier des della Rovere dans l’affaire du duché d’Urbin, témoin la guerre injuste qu’ils soulevèrent contre Edouard Farnèse. D’autre part, la famille des Barberini est, je crois, la dernière chez qui l’on surprenne distinctement ces ambitions de grandeur, d’établissement princier, qui furent communes à toutes les familles papales entre la mort de Paul II et la mort de Paul IV : les Cibo, les della Rovere, les Borgia, les Médicis, les Farnèse, les Caraffa. Ce fut là en grande partie le motif de leur haine pour Edouard Farnèse et le véritable objet de la guerre de Castro ; mais ces ambitions, qui étaient des réalités un siècle auparavant, avaient expiré le jour où Pie IV, à son avènement au pontificat, avait fait étrangler les Caraffa, neveux de Paul IV : on ne les avait plus vues reparaître depuis, et tout ce que purent faire les Barberini, ce fut d’en ressusciter le fantôme. Depuis cette époque, un nouveau système s’était introduit. Un neveu du pape pouvait espérer les plus hautes dignités de l’état pontifical, un riche mariage, une fortune rapide, des acquisitions territoriales importantes à titre de simple particulier ; mais il ne pouvait plus espérer de prendre rang parmi les rois. Si ces nouvelles destinées étaient moins brillantes que celles des familles d’autrefois, elles étaient plus conformes aux tendances de l’ordre administratif qui commençait à devenir alors partout prépondérant, et qu’Urbain VIII avait lui-même favorisé par sa politique française. Les deux tombeaux d’Urbain VIII et de Paul III se font face dans la tribune de Saint-Pierre ; il y a là comme une malice du hasard, une malice à triple,et quadruple dard. Il semble que du fond de sa couche funèbre le père de Pier Luigi, l’oncle d’Octave Farnèse, nargue l’ennemi des