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hospitalité dans les domaines enlevés aux couvens[1]. Cette commission, qui avait éveillé tant d’espérances, n’aboutit à rien. La noblesse était trop puissante, les témoins craignaient de déposer contre elle. Les cultivateurs n’osaient comparaître, ou n’étaient même pas appelés. On proposa de soumettre au parlement une loi qui imposait la subdivision des trop grandes fermes, et qui limitait l’étendue de terrain que le propriétaire pouvait faire valoir lui-même. C’est exactement le même problème qu’aujourd’hui ; mais rien ne fut voté. Alors éclata l’insurrection des paysans de 1549, suivie de plusieurs autres qui toutes avaient un même but : détruire les clôtures qui leur enlevaient la terre. Pendant tout le XVIIe siècle, l’agriculture fit de notables progrès, grâce aux soins qu’y donnèrent déjà quelques seigneurs. Une rotation alterne de fourrages et de céréales obtenus sur la même terre commençait à s’introduire. Ce fut une raison nouvelle pour déterminer les seigneurs à séparer complètement leurs terres de celles des petits propriétaires et à former de vastes domaines bien limités et arrondis. Cette refonte de la répartition agraire s’accomplit généralement aux dépens des petits propriétaires. Un grand nombre de copy holders succombèrent, d’autres perdirent une portion de leurs terres. Tous se virent enlever sans indemnité l’usage d’une grande partie des communaux, indispensable au mode d’exploitation primitif que suivait la petite culture. Les droits des copy holders et des yeomen free holders reposaient sur des usages, sur des titres anciens mal compris, dont les originaux se trouvaient au manoir et dont ils n’avaient point de copie. Dès que leurs droits étaient contestés, ils n’avaient aucun moyen d’en apporter la preuve devant les cours de justice, déjà instinctivement mal disposées à leur égard. Ils ne pouvaient, comme les riches, invoquer l’appui d’avocats chèrement rétribués. Les juges mêmes, s’il faut en croire les écrits du temps, se défendaient mal contre les tentatives de corruption, et donnaient gain de cause à ceux qui savaient le mieux les payer. Ainsi, par suite des usurpations sur les communaux, des nouvelles répartitions du sol et des nombreux procès auxquels ces opérations donnèrent lieu, la grande propriété s’accrut sans cesse. Elle absorbait également les biens qui de temps en temps se vendaient, parce que le riche landlord pouvait en donner le plus haut prix.

La destruction des propriétaires cultivateurs s’est faite lentement. Encore au commencement du XVIIe siècle lord Coke affirmait que le tiers de l’Angleterre était aux mains des copy holders, et il vantait leur situation heureuse ; mais cette guerre d’usurpation

  1. Voyez Nasse, Mittelaltlicher Feldgemeinschaft, p. 59, 60.