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expose, sous le nom de déterminisme, la doctrine qui établit la solidarité indissoluble de- toutes les conditions nécessaires à l’accomplissement des phénomènes de la vie. Il y démontre que ces phénomènes sont rigoureusement déterminés en ce sens qu’ils se produisent selon ; des lois fixes et invariables aussi expresses que celles qui régissent le monde minéral, et qu’aucune intervention capricieuse ne saurait déranger l’ordre commandé par ces lois. Pour l’illustre physiologiste, il n’y a pas plus de principe vital que de principe minéral, c’est-à-dire d’entité distincte des phénomènes eux-mêmes. Il admet pourtant que révolution de ceux-ci obéit, dès qu’apparaissent les premiers élémens de l’embryon, à une loi ou idée préméditée, admise d’ailleurs par les métaphysiciens anciens, et gouvernant par anticipation les phases de l’existence future. Dans un récent et très remarquable ouvrage[1] que nous signalons à la sérieuse attention des penseurs et des naturalistes, M. Robin a développé des idées bien différentes, qui vont peut-être modifier complètement les spéculations sur la vie. Le célèbre anatomiste, s’appuyant sur les données de l’embryogénie moderne telle qu’elle a été constituée par les Prévost et les Dumas, les Coste, les Reichert, les Bary et par lui-même, voit dans l’harmonie et l’ensemble de l’organisme le résultat spontané du concours des énergies propres à chaque élément anatomique. Il y voit le consensus nécessaire des tendances invincibles de ces milliards de monades ayant chacune en soi son rôle et sa direction, et cette vue lui fait apercevoir dans un jour inespéré la solution des difficiles problèmes que nous avons énumérés plus haut. L’ordination et l’accommodation des parties dérivent pour lui du fait même de la formation graduelle de ces parties et des propriétés qui leur sont inhérentes. Il montre comment s’explique par l’effectuation simultanée des propriétés consubstantielles aux élémens, par l’enchaînement logique des actes générateurs évolutifs et nutritifs, tout ce qu’on avait attribué jusqu’ici à la présence d’un soi-disant principe vital.

L’hypothèse d’un principe vital coordinateur et directeur des phénomènes de la vie est contradictoire avec les faits, en ce sens qu’il est d’abord impossible de préciser le moment où intervient ce principe. Voici l’ovule, c’est-à-dire un élément anatomique pur et simple, renfermant le vitellus. Cet ovule est déjà doué de vie alors qu’il dépend encore de l’ovaire. Par un enchaînement ininterrompu et fatal, d’autres élémens anatomiques s’y produisent dans un ordre déterminé depuis l’instant où il n’appartient plus à l’ovaire jusqu’à celui où

  1. De l’appropriation des parties organiques et de l’organisme à l’accomplissement d’actions déterminées ; in-8o, 1860.