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Ollier et de M. Goujon, confirmatives de celles de Flourens, nous ont appris que des os peuvent se produire dans tous les points de l’organisme où se trouve transporté du périoste ou de la moelle fraîche, dans le ventre par exemple. Cette formation extraordinaire de substance osseuse n’a pas encore été observée à l’état spontané, mais il est facile de la réaliser par l’expérience sur les animaux.

La formation du tissu cicatriciel n’est pas autre chose qu’une régénération de tissu lamineux de la peau, et tous les tissus, à l’exception d’un seul, peuvent se régénérer ainsi dans l’organisme, lorsqu’on les y a détruits par un procédé quelconque. Et ils se régénèrent suivant les mêmes principes qui président à leur apparition et à leur développement embryonnaires. M. Robin, qui a formulé cette loi, l’étend aussi à la production des tissus morbides. Outre la régénération des tissus, le naturaliste constate aussi celle de plusieurs organes. Les travaux célèbres de Spallanzani ont mis hors de doute la reproduction de la queue et des membres chez la salamandre. De tout temps la régénération de la queue chez les lézards a été connue, seulement on n’avait point observé de vertèbres dans cet appendice de nouvelle formation. M. Charles Legros a vu dernièrement que les vertèbres y apparaissent au bout de deux ans après l’amputation. Il a obtenu aussi la reproduction totale des yeux et d’une portion de la tête chez des salamandres auxquelles il avait enlevé avec des ciseaux la tête tout entière, en respectant toutefois le cerveau. Il a déterminé également la régénération de la queue chez des loirs, seulement il n’a pu conserver ces animaux assez longtemps, pour donner aux vertèbres le temps d’apparaître à l’intérieur de l’organe.

Ces phénomènes nous montrent une même loi régissant les manifestations diverses de la puissance évolutive dans la maladie comme dans la santé. On trouve dans les faits déjà très anciens de greffe animale d’autres singulières preuves de cette puissance. Les travaux de M. Bert ont montré à un nouveau point de vue comment certains organes animaux pouvaient être déplacés et transportés, pour continuer à y vivre, dans une région de l’économie qui n’est pas leur siège normal. On peut même transporter, greffer des tissus d’une espèce animale à une autre espèce, injecter les globules sanguins d’un animal dans les vaisseaux d’un animal d’espèce différente, et ces globules remplissent à cette nouvelle place leur rôle propre. Il y a des cas dans lesquels des animaux, y compris l’homme, mis dans l’état de mort apparente par la perte de leur sang, ont été ranimés par la transfusion du sang[1] d’un être de même espèce, quel qu’en fût le sexe ; on sait de plus que du sang d’agneau et de veau a été

  1. Voyez le travail de M. Lemattre dans la Revue du 15 janvier 1870.