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voit, le nouvel être formé d’élémens anatomiques bien constitués n’en a reçu aucun de sa mère. Ce n’est que molécule à molécule que lui sont arrivés au travers des membranes d’enveloppe les matériaux qui ont concouru à la production graduelle de ces élémens.

La doctrine de M. Robin relative à la genèse des élémens anatomiques au sein des blastèmes n’est pas admise par certains médecins. M. Virchow en particulier la conteste avec une extrême vivacité. Ce célèbre professeur, qui enseigne l’anatomie pathologique dans l’université de Berlin avec autant d’éclat qu’il interpelle M. de Bismarck dans une enceinte voisine et moins calme, est resté fidèle à la théorie cellulaire établie en physiologie végétale par Schleiden vers 1838, étendue plus tard à la physiologie animale par Schwann. Cette théorie admet que tous les élémens anatomiques des animaux proviennent des transformations successives et directes de la cellule. Une cellule unique et primordiale est la source des élémens les plus dissemblables, élémens nerveux, élémens musculaires, etc. La cellule naît de la cellule par prolifération, les autres élémens en naissent par métamorphose. L’organisme le plus compliqué dérive ainsi par une série de transfigurations variées d’une simple utricule rudimentaire. C’est, comme on voit, la doctrine de Lamarck et de Darwin appliquée à l’embryogénie. La question est importante. Elle a donné lieu à de récens et célèbres débats, et peut-être nous saura-t-on gré de la discuter rapidement ici.

Omnis cellula e cellula, disent les partisans de la théorie de Schwann. Cela se concevrait aisément, s’il n’y avait dans l’économie que des cellules semblables ; mais il s’y trouve quantité d’élémens tellement distincts, que l’esprit ne peut comprendre comment les uns seraient émis par les autres. Il se refuse par exemple à admettre que des leucocytes attaquables par l’eau, solubles dans l’acide acétique, proviennent par prolifération soit des noyaux du tissu cellulaire, soit des noyaux épithéliaux inattaquables.par ces réactifs. On a de la peine à croire que des fils ressemblent si peu à leurs pères. On ne conçoit pas comment des fibres musculaires et des tubes nerveux peuvent émaner de globules absolument dissemblables sous le rapport de la composition comme sous celui des propriétés. Jamais du reste une telle filiation n’a été directement constatée. On observe bien que des cellules individualisées par segmentation sont le siège d’une scission qui donne naissance à d’autres cellules ; mais cela n’arrive que quand les cellules mères ont atteint ou dépassé leur entier développement et leurs dimensions normales. Or ce fait, qui est devenu le point de départ de la théorie cellulaire, est un pur phénomène d’évolution et non un fait de production. Les