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cette nouvelle charge, mais rejeta celle des patentes. M. Wilson allait aborder résolument le chapitre des réductions lorsqu’il tomba, comme tant d’autres fonctionnaires anglais, victime du climat meurtrier de l’Inde, le 9 août 1860.

L’impulsion néanmoins était donnée. Le système préconisé par M. Wilson, celui de trouver dans les ressources actuelles du pays les moyens d’équilibrer le budget, était sérieusement adopté par le gouvernement. Il le fut également par le nouveau ministre des finances, M. Laing ; mais il ne put pas faire disparaître d’une année à l’autre, les gros déficits accusés par les derniers budgets, Les réformes de son prédécesseur ne pouvaient avoir un résultat immédiat. Il aurait donc été obligé de faire un nouvel appel au crédit public, s’il n’eût pas trouvé une encaisse considérable, reliquat des derniers emprunts, dont il se servit pour fermer le gouffre que les années précédentes avaient ouvert dans le domaine des finances. N’ayant plus à traîner le rude boulet des déficits accumulés, M. Laing entra pleinement dans la voie des réductions. Il pratiqua de larges saignées sur le budget de la guerre, et y fit une économie de 3,220,000 liv. sterl. L’impôt sur le revenu, bien qu’il ne répondît pas pleinement aux espérances qu’il avait fait naître, apporta cependant au trésor un utile appoint. La gabelle produisit 1 million de liv. sterl., un tiers de plus que par le passé, et le ministre s’occupa de convertir le monopole de l’opium en une source considérable de revenus.

La moralité de cette culture affermée par le gouvernement a été l’objet de longs débats, tant en Angleterre que sur le continent. Attaquée par les philanthropes et les moralistes chrétiens, elle a été défendue avec intelligence et succès par une nombreuse classe d’économistes et par les avocats du gouvernement anglo-indien. Parce que le climat réfrigérant de nos latitudes septentrionales ne fait naître chez les Anglais aucun attrait pour cette drogue somnifère, sont-ils bienvenus à condamner ce penchant chez les Chinois, quand eux-mêmes se laissent si facilement subjuguer par la passion des liqueurs fortes ? Dans les considérations générales qui servent d’avant-propos au budget de 1862-1863, M. Laing fait observer que toutes les races, civilisées ou barbares, ont un penchant pour un certain stimulant : les Européens pour l’alcool, les Chinois pour l’opium. Il est probable que chacun de ces appétits vient suppléer à un besoin de tempérament et combattre l’action du milieu ambiant. Les hommes du nord recherchent les stimulans qui éperonnent l’esprit et provoquent la gaîté. Les Chinois, qui appartiennent par leur religion, leur littérature et leurs mœurs à cette race de l’humanité chez laquelle la faculté imaginative est absente, ont