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locale ni l’opinion publique n’ont assez de valeur dans l’empire pour peser sur la marche de son gouvernement.


II

Le changement survenu dans la direction de la puissance suprême des Indes enlevée à la compagnie pour être transférée au cabinet de Sainte James n’a été qu’une évolution métropolitaine ; le gouvernement local de Calcutta est resté ce qu’il était, absolu dans toute l’étendue du terme. Les quelques modifications qu’il a subies n’en ont changé que l’apparence. Auparavant le président, assisté d’un conseil, était l’unique autorité qui mettait en mouvement tout le mécanisme administratif. À ce premier rouage, le parlement n’a fait qu’ajouter un conseil législatif, composé de délégués des quatre présidences, d’un chef indigène de chacune des grandes divisions qui ne sont pas encore groupées en présidence, et de trois membres qui représentent l’élément non officiel des Européens. Nommés par le pouvoir, les membres de ce conseil législatif ne représentent aucune classe de la société, ne reçoivent aucun mandat, et ne se rattachent par aucun lien au peuple, qui prend peu d’intérêt à leurs travaux. Impossible d’établir un parallèle quelconque entre ce conseil : législatif et la chambre des communes ; pourquoi donc le ministère lui a-t-il donné ce nom ? Est-ce pour tromper l’opinion, qui réclamait pour les Indes quelques garanties de liberté ? Mais il se passera encore bien des années avant que les Hindous soient capables d’exercer une action quelconque sur la marche d’un gouvernement régulier et libéral. Ils n’ont aucune idée des bases sur lesquelles repose une civilisation progressive et des conditions d’un vrai gouvernement.

Le vice-roi est président de droit du conseil avec la faculté de se faire remplacer. C’est lui qui dirige les débats, les suspend ou les ajourne, et en renvoie la clôture à un autre jour, s’il le juge nécessaire. Si un membre demande la production d’un document quelconque, il peut la refuser ou l’autoriser. Son pouvoir va jusqu’à modifier le personnel du conseil législatif. Lorsqu’un bill a subi le modus operandi établi par les règlemens, il faut encore qu’il reçoive la sanction du président en sa qualité de vice-roi, et qu’il soit ensuite envoyé au ministre secrétaire d’état des Indes, qui, sur l’avis de son conseil, peut le rejeter.

Malgré tout ce qu’il y a de défectueux et d’illibéral dans la composition du conseil législatif de Calcutta, ce corps s’est pris au sérieux ; il s’est mis résolument à l’œuvre. Dans ces dix années, de 1858 à 1868, il a discuté, élaboré, rédigé et voté 320 lois, ce qui