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temps il envoyait en Hollande l’ordre de mettre les troupes hollandaises qui se trouvaient sur le territoire envahi, entre l’Escaut et la Meuse, à la disposition du duc de Reggio.

Cette lettre resta sans effet, ou plutôt le Moniteur du 31 janvier, parlant du discours de la couronne d’Angleterre à l’ouverture du parlement, reprocha sans la moindre réserve à la Hollande « d’avoir trahi la cause commune. » Louis alla de nouveau trouver l’empereur. Dans le cours de la discussion violente qui marqua comme d’habitude cette entrevue, il lui parla en passant de son intention de se retirer en Corse, s’il se voyait forcé d’abdiquer. « Mais c’est charmant, interrompit l’empereur, voilà un trait de lumière que vous me donnez ! Vous pourriez être gouverneur de la Corse ; le voulez-vous ? » Le roi dut se retirer avec cette offre insultante sans emporter la moindre lueur d’espoir. La captivité qui lui était infligée ne lui interdisait pas les promenades en voiture. Parfois il avait essayé de tromper la vigilance de ses gardiens pour voir s’il pourrait s’échapper et regagner son royaume. Vaines tentatives ! les limiers de la gendarmerie d’élite étaient toujours là, même quand on s’imaginait leur avoir fait perdre la piste. Fouché s’entremêlait très activement, bien que sans mandat positif de l’empereur, dans cette négociation qui n’avançait pas, mais où son esprit d’intrigue se donnait pleine carrière. Ce n’était pas le moyen d’en précipiter le dénoûment. L’empereur avait pour le moment encore d’autres choses en tête que les affaires de Hollande ; son mariage avec Marie-Louise était décidé. Néanmoins les troupes françaises ne s’étaient pas bornées à occuper le Brabant : aux dernières nouvelles, elles étaient entrées à Dordrecht, en pleine vieille Hollande ; elles avaient pris possession de cette ville, et les magistrats avaient été forcés de prêter le serment de fidélité à l’empereur, plusieurs même avaient été rudoyés et malmenés parce qu’ils s’étaient refusés à trahir ainsi leur souverain. Le landdrost ou préfet de Zélande avait été conduit en prison entre deux gendarmes pour avoir protesté contre l’invasion à main armée de son département et contre les actes de violence commis au préjudice de ses administrés. Louis, en proie à l’impatience et à la douleur, tomba sérieusement malade. Il eut une fièvre délirante qui l’empêcha pendant toute une semaine de s’occuper de ses affaires. Roëll continua de négocier avec Fouché d’un côté, le duc de Cadore de l’autre. Rien de plus fastidieux que ces pourparlers qui tournaient dans un cercle des plus étroits, les ministres français ne s’engageant à promettre à la Hollande, ou du moins à ce qui en resterait, qu’un semblant d’indépendance, le ministre hollandais consentant à de lourds sacrifices, mais à la condition que ce reste d’indépendance serait pris au sérieux. Dans la seconde quinzaine de février, Louis se rétablit. La