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grande surprise, l’empereur approuva ce nouveau tour donné aux négociations.

C’est que dans l’intervalle une idée nouvelle s’était emparée de son esprit. En définitive, malgré le retentissement de ses récentes victoires en Autriche, Napoléon sentait que sa position était plus brillante que solide. L’opinion ne le soutenait plus comme autrefois, la guerre d’Espagne s’éternisait, les finances françaises étaient gravement dérangées, le reste du continent n’était calme qu’à la surface. Il semble qu’à ce moment de son règne l’empereur s’ouvrit quelque peu à l’idée qu’il était temps de s’arrêter, et que, si l’Angleterre acceptait la paix à des conditions raisonnables, il serait sage de la conclure. La question hollandaise était de nature à servir à la fois d’occasion et de prétexte à une démarche qui, sans engager la responsabilité de personne, pourrait avoir d’heureuses conséquences. Telle fut l’origine de la mission officieuse de M. Labouchère, honorable banquier d’Amsterdam, gendre et associé du grand banquier Baring de Londres, et qui, sans avoir reçu de mandat proprement dit de Napoléon ni de Louis, mais au nom de quelques ministres hollandais effrayés de la tournure que prenaient les choses, devait aller trouver les ministres anglais et s’entretenir avec eux des conditions de la paix en Europe. Son grand argument devait être que la prolongation de la lutte avec l’Angleterre amènerait l’empereur dans un bref délai à réunir la Hollande à la France, et qu’une telle réunion serait fatale surtout aux intérêts anglais. On sait que cette mission de M. Labouchère, contrariée plus encore qu’aidée par celle dont un certain M. Ouvrard, agent de Fouché, s’était chargé sans aucun mandat sérieux, n’aboutit pas. Le cabinet anglais se défiait des intentions de l’empereur, ne voulait faire la paix, principalement en Espagne, qu’à des conditions que Napoléon déclarait inacceptables. Quant à la Hollande, son raisonnement était aussi simple que désolant : l’intérêt anglais, fut-il dit à M. Labouchère, ne serait pas aussi lésé par l’annexion éventuelle de la Hollande qu’on semblait le croire à Paris et à Amsterdam. Dans l’état des choses, la Hollande n’était-elle pas déjà en guerre avec l’Angleterre ? Ne joignait-elle pas toutes ses forces de terre et de mer à l’armée et à la marine françaises ? N’avait-elle pas, par son attitude et par ses soldats, comprimé l’insurrection allemande et fait échouer l’expédition de Walcheren ? En quoi, l’Angleterre aurait-elle à s’émouvoir de la réunion officielle d’un pays qui, par le fait, était déjà le vassal de la France, et lui rendait tous les services qu’elle en pouvait attendre ? Le ministre anglais, lord Wellesley, ajouta-t-il ou, sans le dire, sut-il prévoir que l’annexion ferait d’un peuple fidèle encore à l’alliance française un allié de cœur des ennemis de la France ? Ce qui est certain, c’est que la malheureuse Hollande, qu’on