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contenter tout le monde sans enlever une ressource précieuse au trésor, et il finissait par présenter de son côté un projet qui transportait l’impôt sur les annonces, de sorte qu’on avait deux lois au lieu d’une, celle de la commission et celle du gouvernement ; mais le jour où la discussion s’est ouverte, qu’est-il arrivé ? On a bravement laissé de côté les deux lois, on a voulu se donner du temps pour réfléchir, et on s’est borné à voter un article de transaction dégrevant provisoirement d’un centime les journaux soumis au timbre. On avait travaillé une demi-année pour arriver à ce résultat, qui laisse, il est vrai, le temps de la réflexion ! Chose plus grave, depuis six mois une commission du corps législatif est en train d’examiner les affaires et de préparer le budget de la ville de Paris ; elle n’a pas pu arriver encore à s’entendre sur ce qu’elle doit soumettre à la chambre. La ville de Paris est dans le provisoire financier, ne sachant quelles seront ses ressources, d’autant plus incertaine que d’autres propositions ont été faites qui tendraient à lui enlever immédiatement la moitié des produits de son octroi. On se débat dans tout cela sans en finir. Rien cependant n’est plus pressant. Les intérêts souffrent, des pétitions arrivent au corps législatif. Il s’agit de savoir si toutes les entreprises resteront suspendues dans Paris, si les travaux commencés seront interrompus, si des milliers d’ouvriers continueront à être sans ouvrage, si toutes les industries auront à subir le contre-coup de cette stagnation. La question est brûlante, on n’a pu réussir encore à la résoudre. Franchement il faut y prendre garde, si M. Haussmann était par trop expéditif quelquefois, les commissions parlementaires ne brillent point par la promptitude, et, pour tout dire, on aurait pu employer à remettre en ordre les affaires et le budget de la ville de Paris un peu du temps qu’on a perdu assez souvent dans bien des discussions stérilement violentes.

Le malheur du corps législatif est là. On agite tout, on ne résout aucun des problèmes qu’on soulève. Ce palais Bourbon est tout feu quand il est question de politique, et il se refroidit aussitôt ou il s’embrouille dès qu’il ne s’agit plus que d’affaires. Le corps législatif vient cependant d’expédier la loi sur la nomination des maires ; mais ici même est-ce que ce n’était pas encore la politique qui dominait ? En réalité, dans tout ce débat, on n’a vu que l’intérêt politique ; et mieux encore l’intérêt électoral. Pour les uns et pour les autres, le maire est un fonctionnaire pouvant exercer une influence dans les élections, ayant pour ainsi dire la tutelle du suffrage universel dans sa commune. C’est pour cela que la majorité, qui ne peut jamais bien croire à l’abandon des candidatures officielles, et qui croit encore moins à l’éternité du ministère, n’a pas voulu dessaisir le pouvoir central du droit de nomination directe des maires ; c’est pour cela que l’opposition ne veut pas des maires nommés par le gouvernement, c’est le grand instrument de la candidature officielle qu’elle veut briser, et en fin de compte tout le monde combat