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normale, ou en troubler la marche par un choc. En un mot, sans une perturbation, très possible il est vrai, mais dont on ne saurait admettre gratuitement la réalité, cette direction ne changera jamais. En dehors donc du petit mouvement appelé nutation, aucun changement de cette nature ne peut être invoqué pour fournir une explication plausible à des phénomènes d’un ordre très différent. Une perturbation violente ne serait pas même acceptable dès qu’il s’agit d’une succession de faits évidemment connexes, et dont la marche lente et régulière a mis des millions d’années à se dérouler. L’axe terrestre a-t-il pu, d’abord perpendiculaire sur le plan de l’orbite, comme dans Jupiter, s’incliner peu à peu ? Pareille question n’a jamais été examinée par les astronomes, et rien, à ce qu’il semble, dans la mécanique céleste ne justifierait cette hypothèse.

Il en est autrement d’une supposition encore plus hardie émise depuis peu par M. le docteur Blandet avec l’assentiment du regretté M. d’Archiac. Elle a du moins cet avantage qu’elle s’accorde parfaitement avec les données de la célèbre théorie de Laplace. On sait que d’après cette théorie le système solaire tout entier aurait formé d’abord une immense nébuleuse qui se serait condensée en abandonnant successivement des anneaux de matière cosmique, origine des astres secondaires, planètes et satellites, tandis que l’astre central, réduit à des dimensions toujours moindres, mais plus dense, plus lumineux et plus ardent, devenait à la longue un globe pareil à ce qu’il est maintenant. Notre soleil ne serait donc que le dernier terme de la condensation d’une série de soleils antérieurs. Il en résulte qu’avant de mesurer le diamètre encore énorme de 357,290 lieues et le diamètre apparent sur notre ciel d’un peu plus d’un demi-degré, le soleil a dû passer par bien des états de grandeur réelle et de grandeur apparente. La masse très inégale des planètes, dont les plus éloignées du soleil sont aussi les moins pesantes et dont la plus rapprochée de cet astre (Mercure) est en même temps la plus lourde, semble fournir une preuve indirecte de ce mouvement de condensation de la matière solaire à travers les âges ; mais lorsque la dernière planète a été détachée de l’astre central, aujourd’hui formé d’un mélange de gaz et de vapeurs incandescentes dont l’épaisseur n’équivaut qu’au quart de celle de notre globe, le soleil était encore très loin de se trouver réduit aux dimensions que nous lui connaissons, et qu’il n’a probablement acquises que par une marche très lente. Sans doute il est impossible de savoir par quelle sorte de soleil ont été éclairées les scènes de la vie primitive. On peut cependant conjecturer que ce soleil différait beaucoup du nôtre, et l’immensité du temps écoulé permet de croire qu’il était d’une grandeur en rapport avec le terme encore très