Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 88.djvu/236

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La tendance de la vie à se localiser dans les temps voisins de son apparition est encore un phénomène qui se lie à des particularités de climat. Il est certain que les régions granitiques sont vastes et fréquentes dans les alentours de l’équateur, et cependant sur ces terres demeurées à sec dès l’origine les traces d’animaux et de plantes terrestres, particulièrement les empreintes du temps des houilles, sont presque inconnues jusqu’à présent. Il se peut, suivant la belle pensée de Buffon, que la vie se soit montrée d’abord vers les pôles, et y ait été cantonnée pour ainsi dire. La région où s’est formée la houille, et au sein de laquelle une végétation opulente s’est ici-bas développée pour la première fois, ne s’étendait pas cependant jusqu’au pôle même ; une mer immense se prolongeait au nord du 76e degré, et ce n’est qu’au sud de cette limite, dans les îles Melville, Bathurst et Prince-Patrick, que l’on observe les dépôts de houille les plus septentrionaux. Une zone occupant de l’est à l’ouest toute la terre, mais que bornerait au sud le 40e degré parallèle, au nord le 70e, marquerait assez exactement les limites de la région des houilles. On sait qu’avant l’époque carbonifère les organismes terrestres ne se montrent guère, soit qu’ils aient été encore très rares, soit qu’aucune circonstance n’en ait favorisé la conservation. Les premiers êtres sont marins, ils forment dans le terrain silurien cet ensemble auquel M. Barrande a donné le nom de faune primordiale. Cette première faune est elle-même précédée des plus anciens vestiges de l’animalité[1]. Ici encore, les indices de localisation paraissent évidens ; les organismes primitifs se montrent de préférence dans le Canada et les États-Unis, en Angleterre, en Bohême et en Scandinavie, dans une bande qui ne s’écarte jamais beaucoup du 50e degré de latitude. Cette zone peut être considérée comme correspondant à l’équateur de la vie originaire, comme la région-mère où elle se serait manifestée sur notre hémisphère, pour de là se répandre de proche en proche et remplir ensuite toute la terre.


III

Allons-nous maintenant déterminer la vraie cause de l’élévation de température des anciens climats ? Il faudrait pouvoir la saisir ou tout au moins l’entrevoir, et jusqu’ici la science hésite entre plusieurs solutions très diverses. Elle n’ose faire un choix ; il faut être

  1. Le premier de tous les êtres connus a été nommé eozon canadense. Il a été découvert d’abord au Canada, puis en Europe, dans des roches qui étaient auparavant considérées comme azoïques, c’est-à-dire antérieures à toute vie organique. Il appartient à la classe des. infusoires et a la division des foraminifères.